Les images générées par intelligence artificielle sont partout. À partir d’une description textuelle, des sites grand public, tels que Dall·E ou Midjourney permettent un rendu hyperréaliste : il est possible d’indiquer le sujet, mais également la manière, celle d’un·e artiste connu·e ou d’une technique, par exemple.
Les premiers résultats auront surtout concerné un certain onirisme post-surréaliste sous influence, les utilisateur·rices s’amusant à imaginer, tout comme les surréalistes avant elles et eux, la rencontre de registres que rien n’aurait, dans le réel physique, matériel ou logique, contribué à rapprocher – comme s’il s’agissait d’illustrer la fameuse formule de Lautréamont, définissant en 1869 le beau comme “la rencontre fortuite, sur une table de dissection, d’une machine à coudre et d’un parapluie”.
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Et puis, très vite, à mesure du perfectionnement des versions de ces intelligences artificielles, la machine s’emballe : le réel se fait bien trop réel, et les générations confinent à l’indistinction avec les photographies de presse.
On peut en rire, mais cela reste un rire jaune : fin mars, les images circulaient sur les réseaux de la supposée arrestation de Donald Trump, ou de cette autre arrestation d’Emmanuel Macron, également vu en train de ramasser les poubelles ou de manifester, jusqu’au pape François en doudoune blanche Balenciaga-esque. Pour l’instant, certains indices demeurent, permettant de distinguer la falsification usuelle (toutes les photographies de presse ne sont-elles pas une mise en scène ? et leur circulation numérique, une décontextualisation ?) de cette autre en cours, nichée dans les pores mêmes d’une image dès lors totalement dénuée de référent. Ces indices concernaient, par exemple, l’incapacité de l’IA à générer correctement les mains – un défaut vite corrigé par la mise à jour fin mars de Midjourney, dont la version actuelle aura servi à générer lesdits clichés deepfake de dirigeants.
Tandis qu’au même moment, les écoles d’art précarisées et délaissées restent mobilisées, la question concerne directement le champ de l’art conçu par rapport à ces à travailleur·euses de l’art que l’on disait pareillement, il n’y a pas si longtemps, n’être pas essentiel·les : une éducation à l’image, aux cultures visuelles, à la théorie des médias, aux biais éthiques également de la technologie, est plus que jamais nécessaire. Cela passera par l’enseignement artistique, et par tout un écosystème associé – pas seulement vis-à-vis de l’hyperprésent capitaliste de la tech, mais pour mieux faire ressentir l’urgence malgré tout.
Édito initialement paru dans la newsletter Arts du 4 avril. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !
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