Sous l’influence de “Zelda : Breath of the Wild” mais avec une personnalité bien à lui, le jeu du studio Awaceb ose l’épopée sensuelle, mystique et politique.
Depuis quand n’avait-on pas connu ça ? Cette envie, sereine et intense à la fois, d’aller simplement voir ce qu’il y a plus loin, de l’autre côté d’une colline ou au-delà d’un marais. Et le plaisir finalement aussi fort de s’y rendre (en marchant, nageant, grimpant…) que de découvrir… quoi, d’ailleurs ? Une plage, un village, parfois juste un ciel limpide couronnant un beau paysage.
C’était l’une des premières raisons d’aimer Zelda: Breath of the Wild. C’est un sentiment que l’on retrouve dans Tchia, production la plus ambitieuse à ce jour du studio Awaceb, qui célèbre la terre dont sont originaires ses deux fondateurs, Phil Crifo et Thierry Boura : la Nouvelle-Calédonie.
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Ukulele
On pourrait passer beaucoup de temps à énumérer ce que propose Tchia, jeu d’une étonnante variété. La possibilité de jouer du ukulélé, pour provoquer certains événements magiques (comme dans la saga Zelda, encore une fois), mais aussi juste comme activité en soi avec une précision assez folle dans la simulation de l’instrument.
Celle de prendre momentanément possession du corps de tous les animaux croisés au cours de notre périple (dauphins, corbeaux, cochons sauvages…) mais aussi de “devenir” certains objets dans une communion ludiquement fructueuse avec l’environnement. Celle, également, de se muer en photo-reporter de notre aventure glorieuse et délicate.
Écosystème
Il est peut-être encore plus significatif de souligner ce que Tchia ne nous accorde pas : un GPS. La jeune Kanak qui en est l’héroïne dispose bien d’une carte riche en indications sur les divers points d’intérêt, mais celle-ci ne lui montre pas précisément où elle se trouve comme dans la plupart des jeux à monde ouvert actuels, ce qui modifie radicalement notre rapport aux lieux visités.
Ce n’est pas le plan que l’on observe, avec ses chemins et ses icônes à relier en pilotage quasi-automatique : c’est le relief, la végétation, la lumière qui baisse et le temps qui se gâte. C’est le monde comme promesse enivrante autant que comme écosystème vibrant.
Activisme
Pour Tchia, tout commence par l’enlèvement de son père par Meavora, tyran local aux pouvoirs surnaturels qui fait planer une ombre sur cette lumineuse épopée. Sa grande réussite tient à sa manière de faire coexister harmonieusement en les entremêlant trois dimensions : le sensuel, le mystique et le politique. Loin du trip folklorico-touristique mais sans en exclure la possibilité, le jeu navigue ainsi tout en souplesse des joies de la mer ou de la cuisine locale (porc au sucre, perroquet grillé…) à celles du sabotage d’usines qu’il nous faut infiltrer, pour ne pas dire de l’activisme anticapitaliste et écologiste.
À sa douceur ensoleillée qui rappelle l’indispensable Alba: A Wildlife Adventure répondent aussi de vrais moments de dureté (des drames, de la cruauté) et même des éclats spectaculairement sanguinolents en plus d’une curieuse obsession mi-festive, mi-destructrice pour le feu. Tchia peut justement se changer en feu, comme en pierre ou en animal, et ce, pour une durée plus ou moins longue. Entre une virée sur la plage et une escalade, l’une des joies que procure ce jeu merveilleux est là : celle de tout cramer.
Tchia (Awaceb/Kepler Interactive), sur PS4/PS5 et Windows, environ 30 €.
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