Qu’il agace ou amuse, Jean-Luc Bennahmias anime de sa présence iconoclaste une primaire plutôt terne. Le candidat du Front démocrate décrédibilise-t-il les débats ou en souligne-t-il le côté conventionnel ?
Agrippé à son pupitre, il parle avec fougue, sourit, s’emmêle un peu les pinceaux, agite les bras. Jean-Luc Bennahmias, 62 ans et leader du Front démocrate, est un prétendant à 2017 sympathique, un peu atypique, “décalé”, dit-il.
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Avant les deux premiers débats de la primaire de la Belle alliance populaire (BAP, soit le PS et ses soutiens), il était un “petit candidat” : peu de gens connaissaient cet homme au parcours politique entamé il y a près de quarante ans et au CV bien plus fourni que son crâne glabre.
Mais ça, c’était avant. Certes, en termes de (probables) bulletins de vote à son nom le 22 janvier, il l’est toujours, ce “petit candidat” représentant de l’UDE : il le sait, il “ne gagnera pas”. Médiatiquement parlant, en revanche, cet ex-journaliste – “carte de presse 39804 !” – ne l’est plus : ses prestations lors des débats ont été remarquées.
Petites bourdes et digressions WTF
Mais pas tellement pour ses propositions – pêle-mêle : revenu universel, fin de la “monarchie républicaine”, instauration de la proportionnelle, généralisation des énergies renouvelables d’ici à 2050… – ou son idée de “grande majorité progressiste” allant de Mélenchon à NKM. Plutôt pour son style alliant décontraction, spontanéité, sincérité, mais aussi petites bourdes et digressions WTF.
“Vieil oncle gênant” en totale “roue libre” pour les uns sur Twitter, candidat attachant et rafraîchissant dans cette morne primaire pour d’autres, sa personnalité fait causer. Il est vrai que l’on voit rarement un politique dire à la télé que oui, “ça (lui) est arrivé” de fumer du cannabis, sous les yeux mi-goguenards mi-lassés de certains de ses voisins de tribune. Montebourg en tête : dans son équipe, certains estimeraient “qu’il n’est pas au niveau”.
https://youtu.be/5T5Cl_JdNh0
C’était donc l’occasion de rencontrer Jean-Luc Bennahmias qui, en tant que petit candidat, montre combien il est ardu d’imposer sa présence lors des échanges. Surtout quand, comme lui lors de la première émission, on cafouille sur une anecdotique proposition laissée par erreur sur son site web. Ou quand le bruit court qu’à la base, sa présence au scrutin était une stratégie du PS pour faire gagner Hollande, dont il est proche – ce qu’il nie : “Dans ma vie, personne n’a jamais décidé à ma place ce que je devais faire.”
“Bah oui, vous croyez quoi?”
Paris, samedi 14 janvier. Il arrive en métro, enrhumé mais nez au vent et clope à la main. “Je viens de tweeter !”, lance-t-il, en sortant de la station Ménilmontant. Il est ravi : déjà quinze retweets pour son post sur sa supposée ressemblance avec Bourvil.
Je ne suis pas Bourvil mais j ai un énorme respect pour l homme de la gde Vadrouille au Cercle Rouge et bien sur l eau ferrugineuse @UDE_FR
— Jean-Luc Bennahmias (@JlBennahmias) 14 janvier 2017
Près de 10 000 personnes le suivent. “Bah oui, vous croyez quoi?”, dit-il, ajoutant, hilare, que ses concurrents à la primaire, eux, “achètent leurs followers”. On n’a pas eu le temps d’enquêter à ce propos, mais une chose est sûre, Jean-Luc Bennahmias est dans la vraie vie comme à la télé : aimable, la plaisanterie facile. “On ne me changera pas”, raconte-t-il, en marche vers la Bellevilloise, salle où a lieu ce jour-là le grand oral de la BAP face aux jeunes socialistes. Il est le dernier à passer, il se fera acclamer par des militants à la fois bienveillants et un peu moqueurs.
En route, il jette ses mégots à la poubelle. C’est son côté écolo, lui qui, après un passage au PSU, a dirigé les Verts de 1997 à 2001, avant d’être député européen, vice-président du Modem de François Bayrou, puis créateur du Front démocrate, formation de centre gauche, en 2014.
“Pour l’instant, nous sommes sept petits candidats”
Aujourd’hui, il “veut peser dans le débat, et dire que le gagnant de la primaire, comme Macron et Mélenchon, aura ses responsabilités à prendre quand les sondages réels pour 2017 sortiront. Pour l’instant, nous sommes sept petits candidats”.
Il a bien conscience qu’il a fait parler de lui. Les moqueries l’atteignent-il ? “Si ça vient de la fachosphère, je m’en fiche.” Comprendre : si elles viennent d’ailleurs, c’est oui. Il était stressé, pour le premier débat, s’est senti “désarçonné” parfois, mais on ne l’y reprendra plus : il a travaillé sur ce qui n’avait pas bien fonctionné, pour être “plus tranquille pour le second.”
Passionné de culture et en particulier de musique – l’oreille toujours alerte, il demandera même à un moment, entendant un morceau à la Bellevilloise, s’il s’agit de “Montebourg qui joue de la flûte” –, il a bûché sur ses présentations chez lui, à Marseille, avec un ami metteur en scène de théâtre.
Son porte-parole est excédé par le “traitement scandaleux” réservé à Bennahmias lors des débats
Autres soutiens : son directeur de campagne, Gilles Casanova, et son porte-parole, Christophe Madrolle. Ce dernier se dit excédé par le “traitement scandaleux” réservé à Jean-Luc Bennahmias pendant les débats. “Est-ce que vous avez déjà vu, sous la Ve République, un journaliste dire qu’un candidat ne devrait pas participer à tel scrutin ? (faisant référence aux dires d’Elizabeth Martichoux, l’une des journalistes ayant animé le premier débat, prononcés lors de La Nouvelle édition – ndlr) Entendu quelqu’un dire ‘Vous êtes toujours là ?’, comme Laurence Ferrari l’a fait ?”
Il regrette que la “condescendance” et “l’entre-soi” fassent qu’“on ne considère pas qu’il a des choses à dire” alors que “Jean-Luc, malgré ses maladresses, est tout aussi légitime que les autres pour participer à cette primaire”. Dimanche soir, à la fin du deuxième débat, impossible d’avoir le retour du principal intéressé : il veut se reposer, “boit un coup avec ses potes”. Comme le dit son porte-parole, Jean-Luc Bennahmias “est vraiment un mec normal”.
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