Une cinquantaine d’anciens salariés d’-Télé se sont réunis aujourd’hui pour dévoiler leur nouveau projet. Résultat : « Explicite », un média ambitieux et prometteur, mais aux contours encore un peu flous.
« Nous vous avons réunis aujourd’hui pour assister à une naissance et c’est rare d’être dans la salle d’accouchement, on est très contents de vous y voir ». Une cinquantaine (53 précisément) des ex-salariés d‘i-Télé ont donné rendez-vous aux journalistes, dans un bâtiment moderne du XVIe arrondissement, pour présenter leur futur projet. Baptisé « Explicite », le bébé repose avant tout sur une association de journalistes. « On a décidé de reprendre notre liberté et d’en faire quelque chose. Nous sommes restés soudés, avec une envie de faire des choses ensemble », confie Olivier Ravanello en préambule de cette conférence de presse.
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Sans contrainte de format ou de temps
Le collectif « Les Journalistes associés » réunit près de la moitié des 97 journalistes ayant quitté la chaine d’information en continu après 31 jours de grève, contre la stratégie de leur actionnaire principale Vincent Bolloré. Un conflit sans précédent dans l’histoire de l’audiovisuel depuis 1968. Sonia Chironi, Antoine Genton, Jean-Michel Décugis… toutes les grandes figures de la mobilisation ont adhéré à l’association. L’idée suscite l’engouement puisqu’en quelques heures la page Facebook d’Explicite regroupe 10 000 abonnés.
Bien que le projet apparaisse encore un peu flou, on sait déjà qu‘Explicite se développera principalement sur les réseaux sociaux, parce que « l’époque l’exige », martèle Olivier Ravanello, le président de l’association. « Grâce aux réseaux sociaux nous pourrons faire cette information en toute liberté, sans contrainte de format ou de temps… Tout sera possible », explique-t-il.
Conférence de presse de lancement #Explicite https://t.co/P0qknt5IVz
— EXPLICITE (@expliciteJA) January 16, 2017
Une existence via les réseaux sociaux
Le principe est simple : les journalistes iront sur le terrain, et leurs reportages vidéos « courts comme longs » prendront la forme de directs diffusés via les plateformes Périscope, Facebook live, YouTube, et You Be live (qui permet de créer des multiplexes en direct). La ligne éditoriale ? Le journaliste ne se dit « pas à l’aise », avec le principe. « C’est souvent péremptoire et vide de sens ». Il n’y aura pas de site internet dans un premier temps, « mais toutes les vidéos seront regroupées sur la chaine YouTube Explicite-TV », détaille le journaliste.
« Imaginez une chaine d’information où vous pouvez aller vers l’info qui vous intéresse, et la regarder autant que vous voulez (…) Avec des contenus qui font quand même sens entre-eux. (…) Les gens pourront suivre un reporter. (…) Nous sommes à un moment où les journalistes doivent occuper le terrain des Français », poursuit-il.
En plus des reportages, il y aura une émission de débats, dont Sonia Chironi aura la charge. « Nous détecterons les thèmes d’opinions qui montent mais que les médias ont du mal à faire émerger », explique-t-elle. Explicite est né de la volonté de re-créer du lien entre les journalistes et les Français. « Cette désaffection est en partie notre faute », reconnaît Olivier Ravanello qui insiste sur leur désire « d’aller au fond des choses, et de ne plus s’attacher à la petite phrase politique ». Le média ne possède pas encore de hiérarchie, mais se situe davantage dans une logique d’agence. « Nous sommes 53 et 53 chefs, explique le président du collectif. Nous souhaitons que chacun exerce sa liberté. Personne ne se verra imposé de traiter un sujet dont il n’a pas envie ».
Un financement incertain
La date de lancement est toute trouvée : ce sera le 20 janvier prochain, jour d’investiture de Donald Trump. « C’est un message très net puisque son élection s’est faite sur les réseaux sociaux, nous confie le journaliste. Et se rendre sur le terrain est aussi un bon moyen de vérifier l’information ». Des reporters iront alors à la rencontre d’électeurs et d’opposants du nouveau président.
Pour résumer, Explicite vise à « proposer du contenu qui aide les gens à mieux comprendre le monde, mais tout ça ne règle pas la question des moyens… », souligne judicieusement le journaliste. Sur le papier, le projet est en tout cas prometteur. Mais quid en effet de son financement ? Il faut être réaliste, le reportage coûte cher, et faire travailler une équipe de 53 journalistes aussi. Le collectif prévoit de lancer une campagne de crowdfunding « dans les semaines à venir », dont on ne connaît pas encore le montant visé. Pour l’instant ils travaillent bénévolement et cherchent un moyen de financer leurs déplacements. Le matériel ? « On est quelques-uns à avoir mis nos cartes bleues dans un pot commun ». « Un projet puissant et fragile à la fois », reconnaît donc Olivier Ravanello qui confie que le business plan n’est pas encore trouvé. « Nous nous financerons grâce à la publicité ou aux abonnements, nous ne savons pas encore… »
Les journalistes espèrent en tout cas pouvoir continuer leur projet grâce à la campagne de crowdfunding « le temps que notre média existe et intéresse peut-être des investisseurs ». Une chose est pour l’instant certaine, la décision sera prise de manière « collective » : « l’indépendance des journalistes doit être une chose intouchable dans notre société », martèle le président de l’association.
On sait en tout cas qu’Explicite ne vendra pas son contenu à une chaîne de télévision, et qu’il ne deviendra pas une boite de production. « Nous ne faisons pas ça en étant surs que cela va marcher, mais parce que c’est ce qu’il faut faire aujourd’hui », conclut Olivier Ravanello. Espérons que cela fonctionne quand même.
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