Face aux urgences environnementales et à la dangerosité de l’impact humain sur la biodiversité et sur la santé, les organisations non-gouvernementales (ONG) multiplient actions et campagnes aussi novatrices qu’efficaces. Passage en revue de leurs stratégies et arsenaux médiatiques.
Si les sociétés occidentales ont créé les venins qui détruisent la planète, il se pourrait qu’elles aient aussi inventé leur antidote, sorte de décoction militante non gouvernementale aux mille ingrédients. Cette recette, déclinable et modifiable selon les occasions et les interlocuteurs, c’est celle des ONG environnementales et du développement durable, devenues en quelques années leviers et moteurs d’un possible changement des mentalités, des modes de production, de consommation, et pourquoi pas des sociétés. Aujourd’hui, ces chantres du militantisme écolo sont omniprésents dans les débats qui touchent à leurs causes. Elles pèsent ainsi sur la couleur des votes à grand renfort d’études et de rapports, transforment les pratiques et les mœurs en faisant du secteur privé l’une de leurs cibles privilégiées et diversifient leurs modes d’action auprès de nouveaux publics, connectés et mieux informés.
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Il était un petit navire
Nous sommes le 19 septembre 2016. Il est 18h40 lorsque sous la lance de Saint-Michel terrassant le dragon, une vingtaine d’hommes et de femmes en pull noir et pantalon blanc prennent place sur les dalles de la place Saint Michel, dans le Ve arrondissement de Paris. Dans leurs bras, gisent des cadavres de porcelets, récupérés plus tôt dans les poubelles d’un élevage porcin. Ils sont morts nés, atteint de maladies, tués car trop chétifs ou simplement victimes des conditions d’élevage. En fond sonore, des enceintes diffusent des cris de cochons. Autour de la place, des passants s’arrêtent, regardent, photographient, écoutent les explications de militants chargés de présenter la démarche et les actions de L214, une association tournée vers les animaux utilisés dans la production alimentaire (viande, lait, œufs, poisson), et révélant leurs conditions d’élevage, de transports, de pêche et d’abattage.
L214 s’est faite pour spécialité de violenter l’opinion publique pour mieux dénoncer, alerter puis faire passer ses messages et propositions alternatives. Si la technique ne date pas d’hier, elle est toujours aussi efficace et surtout adaptée à une époque où les images sont reines et les réseaux sociaux omniprésents. L’association compte ainsi à elle seule plus de 596 000 mentions « J’aime » sur sa page Facebook. « Toutes nos campagnes partent du reportage vidéo, explique Brigitte Gothière, porte-parole de l’association. Le fait de montrer la réalité grâce à des vidéos permet de transformer une information que les gens connaissent en une image qui leur reste dans la tête« . Sur le site de l’association, la liste des reportages vidéos est longue.
Tous montrent aussi crûment qu’honnêtement les conditions d’abattage, d’élevage et les traitements réservés aux animaux destinés à la consommation. « Avant d’utiliser la vidéo, nous communiquions plus simplement autour des conditions d’élevage et d’abattage, mais les gens n’étaient pas du tout réceptifs, ils doutaient de la véracité de nos informations. Une fois les premières vidéos tournées, plus personne ne s’est opposé à cette vérité, détaille Brigitte Gothière. Selon nous, c’est l’une des clés pour obtenir un changement de mentalité au moins, un changement de pratique au mieux« . Car face à eux, le chantier est gigantesque, grand comme une civilisation, large comme un héritage séculaire. En France comme dans de nombreux pays développés, on voudrait que le fait de manger de la viande quotidiennement soit culturellement de rigueur. Alors s’attaquer à un tel Goliath nécessite d’employer les grands moyens et le plus habilement possible, en utilisant les médias, massivement et systématiquement.
C’est finalement l’histoire du petit bateau combattant seul une flotte toute entière. Ce mythe fondateur c’est celui de Greenpeace et son bateau le Rainbow Warrior, sabordé en 1985 à Auckland (Nouvelle-Zélande) par les services secrets français, non contents de voir l’organisation entraver les essais nucléaires de la France dans ses atolls polynésiens.
« À bord du premier bateau de Greenpeace, il y avait des militants radicaux et engagés qui se rendaient sur un lieu d’action spécifique, des scientifiques, des journalistes et des photographes, explique Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France. Tous les ingrédients étaient déjà réunis : le besoin du constat scientifique, la nécessité de raconter cette histoire au monde et un mode d’action efficace et percutant »
Suite au fiasco de l’opération « secrète » de la France et la mort de Fernando Pereira, l’un des photographes présent sur le bateau, Greenpeace acquiert une renommée nouvelle, tournant vers elles les caméras du monde entier. À l’époque toutefois, les canaux de diffusion des actions de l’ONG se limitent aux médias traditionnels (télévision, presse écrite et radio). Malgré des rapports de confiance tissés avec certains médias, Greenpeace et ses consœurs comme le WWF ou Les Amis de la Terre, moins radicales dans leurs modes d’action, ne sont pas encore en mesure de maîtriser les agendas médiatiques et politiques. Au début des années 2000, la donne change radicalement, grâce à la déferlante sans précédent d’internet.
Internet rules the world
Le moment de bascule dans l’histoire du militantisme environnemental et pro développement durable, est sans conteste la démocratisation d’internet et de son incroyable potentiel de diffusion des informations et des opinions. « La mondialisation des questions environnementales est le facteur essentiel des premières actions marquantes des ONG, analyse Sylvie Ollitrault, directrice de recherche au CNRS et professeur à Science Po Rennes. Certes, le format médiatique était déjà mondialisé par le biais de la télévision, mais internet a permis à l’individu de s’impliquer directement. Les ONG l’ont utilisé pour toucher de nouveaux publics et concevoir des manières dématérialisées de manifester dans et en dehors de l’espace public« . Qui dit nouveau format médiatique individualisé et accessible à tous, dit aussi autonomie et fabrication de ses propres canaux de diffusion.
« Internet nous a permis d’aller plus loin et surtout plus vite. Nous disposons d’à peu près autant de sites internet que Greenpeace compte de bureaux à travers le monde, soit une quarantaine. Aujourd’hui nous sommes maîtres de l’information que nous produisons et de notre communication« , explique Jean-François Julliard. Quand Greenpeace travaillait sur l’Antarctique dans les années 80, des pétitions avaient été lancées afin d’alerter les pouvoirs publics de l’implication des citoyens dans l’une des premières grandes luttes écologiques qui conduisit à la signature du traité de Madrid, faisant de l’Antarctique une réserve naturelle consacrée à la paix et à la science. Le support de ces pétitions étant le papier, les équipes de l’organisation devaient récolter et comptabiliser manuellement chacun des signataires. Un travail de titan, pour quelques dizaines de milliers de signatures. « Actuellement, la pétition Save The Arctic qui circule pour demander la protection de l’Arctique et la création d’une ‘zone naturelle préservée’ autour du pôle Nord, a été signée par plus de huit millions de personnes dans le monde. Nous n’aurions jamais eu autant d’impact si internet n’existait pas« , ajoute Jean-François Julliard.
Née sur internet et devenue spécialiste de la campagne éclaire, l’ONG américaine et cybermilitante Avaaz s’est illustrée par sa capacité à mobiliser très rapidement les 44 millions de membres qu’elle comptent actuellement dans ses rangs (dont 4 millions uniquement pour la France). À chaque début d’année, un sondage comprenant les grandes thématiques annuelles leur est envoyé. En fonction des réponses, l’organisation précise l’orientation de ses campagnes qui seront ensuite testées sur un échantillon de milliers de personnes, afin de vérifier leur pertinence et d’asseoir un soutien de base. « Ce mode de fonctionnement permet d’avoir une idée très claire de ce que les gens veulent, d’agréger rapidement beaucoup de soutien à une cause, et d’avoir un mandat afin d’agir sur un sujet précis« , explique Marie Yared, arrivée chez Avaaz en 2012 et actuellement basée au Liban. En tant qu’organisation internationale particulièrement active sur internet, Avaaz se différencie par sa réactivité, par exemple :
« Lorsque la Marche Mondiale pour le Climat parisienne a été annulée en marge de la COP21, nous avons organisé dès le lendemain un happening sur la Place de la République : des milliers de chaussures ont été alignées au sol pour illustrer la mobilisation, détaille la chargée de campagne. Internet est un outil indispensable, mais aussi un mégaphone pour relayer nos actions et nos campagnes ».
Aujourd’hui 90% des campagnes d’Avaaz sont internationales et lancées sur internet, quel que soit leur sujet et leur échelle. L’ONG considère que tout le monde s’intéresse autant au climat planétaire qu’à la chasse des baleines ou aux corridors humanitaires en Syrie. Aussi, à la circulation de l’expertise scientifique, l’implication individuelle et l’amplification des campagnes, s’ajoute un élément que tous s’accordent à dire qu’il a été primordial dans la réussite de nombreuses actions : la coalition.
Alliances et coalitions
Si toutes ces ONG et associations sont en mesure de mener à bien leurs propres campagnes, il est de plus en plus fréquent que face à l’internationalisation des enjeux environnementaux ou sanitaires, elles se regroupent et s’allient autour d’actions communes. À l’image de Greenpeace et de Générations Futures, qui mènent campagne aux côtés de Global 2000, Sum Of Us, Les Amis de la Terre et des dizaines d’autres, pour l’interdiction européenne du glyphosate, principal composant du célèbre Round Up produit par Monsanto. D’autant que face à elles, les géants du secteur privé (pétroliers, industries chimiques et pharmaceutiques, constructeurs automobiles, semenciers…) pratiquent depuis longtemps le regroupement sectoriel, développant un sens aiguisé de la pression commerciale de masse.
Dès sa création en 2006, Avaaz a bénéficié du soutien d’ONG humanitaires importantes. Sa première campagne, une demande de cessez-le-feu dans la guerre opposant Israël et le Hezbollah au Liban, a ainsi été largement relayée par des organisations partenaires, lui permettant d’augmenter le réseau de ses signataires et de tester son fonctionnement. La viralité d’internet a fait le reste. « Je suis partisane d’une complémentarité entre les ONG et associations. Il arrive souvent que des organisations partenaires nous demandent de lancer une campagne comme un coup de projecteur sur une échéance dont ils veulent profiter pour défendre une position et une thématique dont nous, à l’inverse, ne sommes pas experts« , explique Marie Yared. Il s’agit finalement d’un échange de bons procédés, Avaaz prêtant son puissant réseau de membres contre l’information et l’expertise d’un tiers partenaire, comme dans le cadre de sa campagne contre la chasse des éléphants : « Nous avions alors contacté un journaliste du National Geographic qui avait enquêté sur ce sujet, mais aussi The Humane Society et la Wildlife Conservation Society qui ont accumulé beaucoup de matière sur ces questions. Une information de qualité est essentielle pour préparer une campagne qui aboutira à un résultat concret« , ajoute Marie Yared.
Du côté de Greenpeace, si le regroupement est parfois nécessaire, il n’est jamais indispensable. « Nécessaire, car si chacun fait appel à ses réseaux d’adhérents, la masse critique finale peut peser sur le vote d’une loi par exemple. Pas indispensable, car les coalitions et regroupements rendent les opérations plus lentes et nécessitent des compromis. Lorsque nous écrivons seuls une tribune, nous sommes maîtres de notre contenu. Si nous sommes dix ONG, le danger est de se perdre dans des généralités et d’affaiblir notre voix« , détaille Jean-François Julliard.
À l’occasion de la COP21, environ 130 organisations concernées de près ou de loin par le changement climatique, dont des syndicats de travailleurs, s’étaient regroupées au sein de la Coalition Climat 21, leur offrant ainsi un poids considérable auprès des dirigeants du monde entier. En revanche, les concertations autour de revendications prioritaires ou l’écriture de communiqués de presse communs, se sont vite heurtées à la loi du nombre. « Les ONG sont à la fois dans une période de convergence des actions et des thèmes, mais aussi à un moment où elles doivent affirmer leur spécificité, leur histoire et le domaine d’action dans lequel elles possèdent une véritable expertise. Il y a convergence mais pas homogénéité, ni unanimité« , selon Sylvie Ollitrault. Si les coalitions sont un atout supplémentaire à l’occasion d’actions ponctuelles, elles se révèlent parfois indispensables quand il s’agit de mettre un pied dans les sphères politiques nationales, européennes ou onusiennes.
Alter-lobbying et militantisme de bureau
En France et en Europe notamment, pour défendre les intérêts de multinationales aux pratiques et aux productions controversés, de petites armées de lobbyistes, ou agents d’influence, arpentent les couloirs du Parlement européen, des institutions nationales ou des conseils généraux à la recherche d’élus et responsables politiques enclins à flirter avec le conflit d’intérêt. Dans ce bain bouillonnant des jeux d’influence, les ONG et leurs stratégies de « contre-lobbying » ou « alter-lobbying » portées par une poignée de militants de couloir, font encore figure de petits joueurs. Face à leurs manques de ressources et de personnels, elles ont toutefois développé d’autres méthodes.
Pour l’association Générations Futures, qui mène des actions (enquêtes, rapports, colloques, campagnes de sensibilisation…) pour informer sur les dangers sanitaires et environnementaux des pesticides et OGM, et qui n’emploie que quatre salariés à plein temps, les cibles prioritaires sont les élus qui partagent avec eux la même aversion pour les produits phytosanitaires et autres perturbateurs endocriniens. « En plus de nos contacts réguliers dans les instances officielles via des consultations et groupes de travail internationaux, nous sollicitons des élus selon des thématiques et des moments précis de l’évolution d’une loi, car nous ne pouvons nous mesurer sur ce terrain avec le secteur privé« , explique François Veillerette, directeur et porte-parole de l’association.
Avec une structure de taille similaire, L214 n’est pas plus en mesure de rivaliser avec les géants de la grande distribution. Sa force à elle, une fois encore, réside en partie dans son support de prédilection, la vidéo :
« Sur la question du broyage des poussins, nous savons que c’est notre travail qui a poussé les parlementaires à demander un audit. C’est suite à la publication de nos vidéos sur les chaînes d’abattage dans certains abattoirs, que le ministre de l’Agriculture a ordonné aux préfets de procéder à des inspections dans l’ensemble des abattoirs français », ajoute Brigitte Gothière. »
Si ces succès auprès de la sphère politique sont encore basés sur des opportunités plus que sur une action continue, l’association a récemment mis en ligne politique-animaux.fr, un site qui référence déclarations et prises de position des personnalités politiques françaises (députés, sénateurs, présidents de région et de département, eurodéputés, membres du gouvernement) en faveur ou à l’encontre des animaux. Mais la cible principale de l’association ce sont les distributeurs, grandes enseignes de la distribution ou géant de l’agro-alimentaire qui commercialisent les œufs de batterie et s’approvisionnent dans des abattoirs aux pratiques barbares.
« Aujourd’hui, l’action politique est tellement longue à se mettre en place, que nous allons bien plus vite en prenant directement pour cible les entreprises« , explique Jean-François Julliard. Il cite l’exemple de la campagne Detox, menée autour de l’élimination des produits chimiques et toxiques dans les chaînes de fabrication textiles. Afin de contourner la voie politique et le probable échec d’une réglementation mondiale, l’ONG s’est adressée directement aux entreprises visées par sa campagne. « Nous avons gagné dix à quinze ans. Dans ce cadre là, l’opinion publique a un rôle très important et crédibilise notre action car elle représente des consommateurs« , précise le directeur de Greenpeace France. Car bout du compte, ce qui embête vraiment une entreprise comme Zara, ce ne sont pas les manifestations de Greenpeace devant son siège social, mais les milliers de consommateurs qui posent des questions gênantes sur les forums en ligne, saturent leurs standards ou qui n’achèteront plus leurs produits.
« Nous sommes une organisation internationale, composée de milliers de militants activistes, capable de fédérer tous les bureaux nationaux autour d’une action visant une société multinationale. Pas une seule entreprise n’a jamais accepté de nous recevoir et de négocier avec nous une fois lancée notre action publique, même un pétrolier comme Shell », assène Jean-François Julliard.
En parallèle, les principales ONG écolos ont toutes un pied à Bruxelles, dans ou à proximité du Parlement européen. Quinze personnes pour Greenpeace, regroupées au sein d’une unité dédiée au suivi des réglementations européennes et à l’identification des plus pertinentes pour un engagement de l’ONG. Les plus petites se regroupent, à l’image de Générations Futures au sein de la Health and Environment Alliance qui rassemble des acteurs européens travaillant sur des thématiques communes. Située sur le même trottoir que la Commission Européenne, la plate-forme permet à ses membres de coordonner leurs demandes et propositions et de bénéficier de retours d’information rapides et nécessaires à leurs ripostes.
Pétitions et prospections
Parmi les nombreux outils de consultation et de pression aujourd’hui exploités par les ONG, la pétition est particulièrement à la mode, présente sous de nombreuses formes, partagée sur tous les canaux de communication propres à internet et brandie comme l’expression de l’opinion citoyenne. « Toutes les pétitions que nous lançons n’ont pas le même objectif. Certaines servent à alerter des dirigeants, à les embêtez, à ralentir un processus ou au contraire à l’accélérer, explique Marie Yared d’Avaaz. Une pétition largement diffusée peut donner des ailes à un projet, soutenir et crédibiliser une cause comme la création par Barack Obama de la plus grande réserve naturelle marine au monde, à Papahanaumokuakea (Hawaï). Son projet a été massivement attaqué par des détracteurs privés comme publics. Mais notre pétition, qui a réunie 1,3 millions de signatures, a permis de lui donner plus de crédibilité et de montrer le soutien de l’opinion publique« .
Pour Greenpeace, plus habitué aux actions directes sur le terrain et à faire pression directement auprès des entreprises, la pétition n’est qu’un outil d’alerte comme autre. « La pétition n’est jamais un aboutissement, surtout avec l’abondance de formulaires qui circulent aujourd’hui, tempère Jean-François Julliard. À ce jeu là, il est indispensable de cibler le destinataire de la pétition : 10 000 signatures adressées à un PDG d’entreprise qui n’a pas l’habitude d’être pris à parti de cette manière, valent bien plus qu’un million de signatures adressées à François Hollande« .
Aussi, car les coups de règles et de règlementations ne suffisent bien souvent qu’à limiter ou encadrer les comportements des entreprises, les ONG ont ajouté à leur arsenal offensif toute une gamme de propositions et méthodes d’application des recommandations et expertises qu’elles formulent. Celles-ci se retrouvent massivement diffusées sur les réseaux sociaux, Facebook et Twitter en particulier, dont ces ONG et associations usent à longueur d’année. « Nous ne sommes pas une association qui ne fait que râler, nous proposons des solutions alternatives et des pistes de réflexion, explique Brigitte Gothière. Nous avons ainsi développé toute une série de sites internet affiliés à notre campagne centrale« . Parmi eux, le site viande.info, lancé en 2009 à l’aube du sommet de Copenhague, avec le soutien de Fabrice Nicolino (auteur, entre autre, de Bidoche, l’industrie de la viande menace le monde, Actes Sud, 2009), et face au silence de la France à propos de l’impact climatique et environnemental de l’élevage intensif. Sur la nutrition, l’association a mis en ligne vegan-pratique.fr qui propose toutes les informations nutritionnelles à disposition et les positions officielles qui montrent que le régime vegan est aussi supportable que sain et facile à mettre en place. Mais aussi vego-rest.fr, qui incite les restaurateurs à expérimenter la cuisine végétalienne et à proposer des plats vegan sur leur carte. Quand à Générations Futures, l’association est passée maître dans l’art de jongler avec les contenus :
« Il faut aujourd’hui savoir communiquer à la fois sur le fond et les contenus que nous produisons, mais aussi en réaction à des décisions de justice, des votes, des comportements d’industriels, raconte François Veillerette. L’exemple du feuilleton sur le glyphosate illustre bien cela. Au moment du vote au Parlement européen, discuter sur twitter avec la ministre de l’Environnement a un poids réel, notamment auprès des publics plus jeunes ».
En parallèle, Générations Futures alimente un site rassemblant les témoignages en France de victimes des pesticides, collabore à la réalisation de documentaires sur les effets dévastateurs des pesticides sur la santé des agriculteurs et organise chaque année la Semaine pour les alternatives aux pesticides, un moyen alternatif de rendre visibles toutes les initiatives développées sur le territoire français et qui prouvent que des modèles agricoles sans pesticides existent et sont viables. Mais le terrain reste difficilement praticable, compte tenu de la complexité des thématiques abordées : « Il est plus simple de montrer l’horreur des abattoirs que les effets invisibles des pesticides sur la santé et l’environnement« , déplore le président de l’association.
http://www.youtube.com/watch?v=U3Ezfjz0xvA
Division du travail et élite associative
Compaigner, Social media manager, chargé de campagne sectorielle, agent d’influence … autant de spécialités et de compétences nouvelles que les organisations non-gouvernementales ont dû intégré à leurs organigrammes. « Les ONG ont aujourd’hui divisé le travail selon les compétences nouvelles de leurs personnels, analyse Sylvie Ollitrault. Il existe un véritable champ d’emplois associatifs dans lequel les profils sont nouveaux, très internationalisés, en terme de diplôme comme de connaissances, de plus en plus sont binationaux, tous sont bilingues et ont souvent beaucoup voyagé. C’est une forme d’élite associative où les amateurs n’ont plus leur place dans les rangs des ONG internationales et de plus en plus au sein des ONG nationales« .
Dans les locaux de Greenpeace France, dans le 10è arrondissement de Paris, un nouveau poste a récemment été créé : celui d’une chargée de campagne juridique, dont la mission est d’identifier tous les potentiels d’action juridique dans les campagnes de l’ONG, avec la possibilité par exemple d’intenter un procès afin d’accélérer une action ou de la faire aboutir. « Nous essayons chez Greenpeace d’avoir une vraie diversité de profils. On peut ainsi recruter des gens déjà passé par les ONG, d’autres qui viennent de la fonction publique, de l’administration locale, d’un cabinet ministériel, ou encore du privé, détaille Jean-François Julliard. Pour demander des changements concrets aux entreprises, aux administrations ou aux institutions, il est préférable d’en comprendre le fonctionnement, les leviers ou le ton que l’on doit employer« .
Chez Générations Futures et L214, où les structures sont encore à taille humaine, les salariés ont dû faire preuve d’adaptabilité et de polyvalence. « Il est important de faire la différence entre les grosses et les petites ONG. Chez Générations Futures, notre travail a de nombreuses facettes : rédaction de rapport, intermédiation avec les laboratoires d’analyse, compétences en agronomie, relations publiques, communication… Nous connaissons tout le prisme de notre domaine d’action et de nos campagnes« , précise François Veillerette qui dresse le même constat que Brigitte Gothière au sein de L214. Si la polyvalence et l’adaptabilité ne s’apprennent pas encore à la fac, de nombreux cursus universitaires ont été créés autour de thématiques comme le développement durable, l’écologie, la gestion de campagne ou le management humanitaire. « Les salaires ne sont traditionnellement pas très attractifs dans les ONG, mais de plus en plus de jeunes entament des études pour travailler dans des organisations comme la nôtre, témoigne Marie Yared. Certains font même des écoles de commerce avec l’ambition de verdire le monde de l’entreprise et de réduire ses impacts néfastes sur l’environnement ou les modes de consommation. C’est totalement nouveau« .
À mesure que se professionnalisent les ONG environnementales et du développement durable, qui sait, des hordes de jeunes militants utopistes et sur-diplômés viendront peut-être bientôt gonfler leurs rangs, et faire de leurs idéaux écolos une réalité un peu plus palpable.
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