Classique dans sa forme, la nouvelle comédie de Netflix, One Day at a Time, touche du doigt des thématiques contemporaines et progressistes.
L’affaire serait pliée. Devenues des objets culturels hautement désirables et même “respectables” – avec tout ce que cela implique de malentendus –, les séries d’aujourd’hui auraient épousé la modernité la plus pointue. Cette modernité relèguerait les anciennes formes aux oubliettes de l’histoire. Les rires enregistrés, par exemple.
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Combien de fois a-t-on entendu parler de cette convention issue des limbes du XXe siècle en termes méprisants, au point d’en faire l’emblème d’une approche ringarde, qui prendrait le spectateur pour un mouton ?
https://youtu.be/wNFFleycS8k
Cette sitcom assume toutes ses tares supposées
One Day at a Time (Au fil des jours en VF) se fiche bien de tout cela. En plus d’utiliser les rires enregistrés sans vergogne, cette sitcom assume toutes ses autres tares supposées. D’abord, elle utilise plusieurs caméras pour filmer l’action, alors que la plupart de ses concurrentes hype préfèrent la liberté et la souplesse que permet une seule caméra. Ensuite, elle n’a pas honte de son statut de remake – l’original a connu neuf saisons et 209 épisodes sur CBS entre 1975 et 1984.
Un désir puissant d’assumer une identité se trouve aussi au centre de l’histoire. One Day at a Time suit le quotidien de Penelope, une Américaine d’origine cubaine (ce qui n’était pas le cas dans la première version) tout juste séparée de son mari, ancien militaire comme elle.
Punchlines bien senties et art assez fin du commentaire social progressiste
Elle travaille dans un cabinet médical à Los Angeles et élève ses deux enfants – un préado et une lycéenne – dans le confort d’une maison estampillée classe moyenne supérieure. Sa mère habite avec la petite clique et raconte comment elle est arrivée de Cuba il y a plusieurs décennies, en plus de servir de référent pour la meilleure façon d’articuler des blagues. Mais il y a beaucoup plus. Sans en avoir l’air, la série balance constamment entre une forme assez simple de comédie quotidienne, à base de punchlines bien senties, et un art assez fin du commentaire social progressiste.
Quand une forme a priori ancienne s’entiche de thèmes on ne peut plus actuels, cela donne un mélange intrigant. Eclairée à l’arrache comme n’importe quelle sitcom vintage, One Day at a Time bouscule néanmoins pas mal de réflexes conditionnés de la fiction majoritaire.
La sitcom, art du quotidien et de la répétition
Ses personnages principaux, en plus d’être d’origine cubaine, sont des femmes, et chaque épisode ou presque aborde une question ultra contemporaine, des immigrés malmenés à la souffrance des soldats de retour de la guerre, jusqu’aux discours féministes.
La fille de Penelope, Elena, travaille à imposer son langage et son approche. Dans les premières minutes de la série, elle refuse de participer à un rite de passage qu’elle juge trop conservateur et patriarcal, argumentant longuement avec sa mère et sa grand-mère sur la question.
Dans le merveilleux épisode 2, consacré au sexisme au travail, Elena et sa mère échangent leurs points de vue sur la meilleure façon de se défendre des microagressions masculines. La sitcom étant un art du quotidien et de la répétition, chaque nouvel épisode est une nouvelle manière de considérer les mêmes problèmes, de les creuser et d’en toucher la complexité.
Si One Day at a Time semble aussi sincère, c’est peut-être parce qu’elle a su faire une place au showrunner original de la série seventies. A 94 ans, Norman Lear, figure majeure de la télé US à la fois socialement responsable et hilarante (l’avant-gardiste All in the Family, c’était lui), tient ici les fonctions de consultant et de producteur.
Apparemment impliqué au-delà de ce que chacun imaginait, il apporte avec sa vieille peau l’idée d’une série populaire comme permanence bénéfique, comme veille démocratique et sociale. Une belle idée.
One Day at a Time (Au fil des jours) sur Netflix
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