Lancé vendredi 17 mars à Lille, le plus important festival de séries en Europe a ouvert sa compétition avec des sujets forts. Premières impressions.
“J’aime la télévision. Je la trouve utile et importante”. Par ces mots, le virtuose scénariste anglais Jack Thorne répondait ce dimanche à un spectateur lui demandant pourquoi il avait choisi le format série (plutôt qu’un film) pour raconter l’histoire brutale de Best Interests, où un couple se trouve confronté à la maladie grave d’un enfant, et à la volonté de l’hôpital d’arrêter les soins. Best Interests repose sur l’intensité du jeu de ses acteur·trices, notamment Michael Sheen (Masters of Sex), la géniale Sharon Horgan (Catastrophe, Bad Sisters) et la jeune révélation Niamh Moriarty, dans le rôle de leur enfant atteinte de dystrophie musculaire.
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L’auteur de This is England rajoutait : “De toute façon, au Royaume-Uni, il est presque impossible aujourd’hui de mettre en scène ce genre de sujet au cinéma.” Ulcéré par la manière dont les personnes en situation de handicap sont traitées, surtout depuis la crise du Covid-19, Jack Thorne espère provoquer des débats. Les quatre épisodes arrivent en Angleterre en juin, avant une diffusion éventuelle sur Arte. Après le premier week-end de Séries Mania, serait-il question de ce que souvent, le cinéma ne montre plus ? La question se pose : on connait la crise que traversent certains pays quand il s’agit de produire autre chose pour le grand écran que des divertissements à large échelle. La sélection de Séries Mania s’engouffre dans la brèche, avec dans ces premiers jours une certaine prime au sujet, par des moyens esthétiques et narratifs heureusement variés.
Géopolitique
En plus de Best Interests, on a vu en ouverture Salade Grecque de Cédric Klapisch (la suite en série de son film L’Auberge espagnole) qui ausculte la jeunesse internationale engagée à travers des vingtenaires installés à Athènes, pour aider les réfugié·es. La série reste malheureusement anecdotique, malgré la fraîcheur d’Aliocha Schneider dans le rôle principal.
Dans l’israélienne Red Skies, écrite par une équipe mixte israélo-palestinienne, il est question d’une toute autre jeunesse, directement en proie à la guerre. Saar et Ali, l’un juif, l’autre arabe, sont amis proches depuis le lycée, mais voient leurs destins se séparer lors de la seconde Intifada, au début des années 2000 – une explosion de violence qui a largement éteint les espoirs de paix. Avec une efficacité de tous les instants, la série embrasse le triste chaos de la région sous un angle personnel mais aussi plus large, puisqu’il est question de terrorisme et des services secrets. Entre Fauda et Our Boys, Red Skies creuse son propre sillon, celui d’une série d’action intime, candidate sérieuse à une récompense vendredi 24 mars, lors du palmarès.
À quelques milliers de kilomètres de là, dans les montagnes reculées de Grèce, Milky Way s’intéresse aussi à de jeunes adultes et adolescent·es. Leurs conflits sont moins géopolitiques, mais le poids de la religion et des traditions se fait sentir quand une lycéenne désœuvrée tombe enceinte. Due au jeune réalisateur Vasilis Kekatos (Palme d’or du court métrage en 2019 au Festival de Cannes), la série se démarque par une manière de capter les corps dans une géographie qui les enserre autant qu’elle pourrait les libérer. Cette tension étrange et planante en fait tout le prix, et donne envie d’en voir beaucoup plus que les deux premiers épisodes présentés ici.
Surprises
Avant d’atteindre la moitié du festival (on attend la série norvégienne The Fortress, précédée d’une rumeur très positive, ainsi que le forum professionnel qui accueille le boss de la création originale de HBO, Casey Bloys), une agréable surprise est arrivée d’une coproduction entre France, États-Unis et Japon.
Adaptée du manga éponyme, Les Gouttes de Dieu raconte une histoire d’héritage dans le milieu œnologique. Elle fait la part belle à son personnage féminin principal, dont le père vient de mourir et qui doit (ré)apprendre à goûter et ressentir les vins après un trauma. L’occasion de belles scènes où il est question de figurer les sensations physiques et sensuelles procurées à Camille par tel ou tel cépage, telle ou telle vinification… Un ovni à la fois très grand public et culotté, dont on reparlera lors de sa mise en ligne sur Apple TV+ le 21 avril prochain.
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