Dans « Samedi détente », la chorégraphe témoigne de sa traversée au cœur des ténèbres du génocide des Tutsis en 1994.
De Jacques Delcuvellerie et son Rwanda 94 à Milo Rau avec Hate Radio, plusieurs artistes ont tenté d’explorer et comprendre les mécanismes à l’œuvre dans ce qui fut le dernier génocide du XXe siècle, celui des Tutsis au Rwanda. Dans Samedi détente de Dorothée Munyazena, c’est un témoignage à la première personne qui s’offre en partage au public.
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Ses larmes sur le plateau quand elle chante ou qu’elle parle sont celles d’une survivante qui décide, vingt ans après les faits et son exil du Rwanda – puis sa formation de chanteuse en Angleterre et de danseuse en France, notamment auprès de François Verret –, de bâtir son premier spectacle en hommage aux disparus pour leur redonner vie à travers sa voix, son corps, sa danse : “Comment raconter l’indicible ? Comment parler du départ d’un lieu qu’on a aimé ? Des circonstances durant lesquelles on a dû quitter le nid de l’enfance, un jour, en cachette, sur les routes parsemées de corps, de sang et de silence ? On a tellement peu parlé de ce génocide. Et quand on en parlait, on en parlait mal. Voici dix-neuf ans qui ont passé, dix-neuf ans vécus loin de mon pays, dix-neuf ans pour reprendre goût à la vie, grandir, réfléchir, et enfin, pouvoir écrire. Je veux parler au travers des yeux qui ont vu. Je veux partager la parole de ceux qui y étaient.”
Chant funèbre, proche du cri
Sur le plateau, nu à l’exception d’une table et d’une bâche accrochée aux cintres, le compositeur Alain Mahé et la danseuse ivoirienne Nadia Beugré sont à ses côtés. Machette et couteaux frottés l’un contre l’autre ou cognés sur un manche de bois introduisent son premier chant et seront le fil, sonore et visuel, de son récit. Celui d’une enfant de 12 ans qui voit, en une nuit, son univers s’écrouler, la mort s’abattre, la fuite et la peur remplacer son quotidien, l’attente d’une aide et d’un secours de l’extérieur rester vaine.
Danse heurtée, proche de la lutte pour Nadia Beugré, chant funèbre ou puissant et proche du cri pour Dorothée Munyazena, ses pieds frappant le sol ou le plateau de la table, leurs corps expriment la douleur, le déplacement, la fatigue. Mais aussi, par le jeu qu’offrent les couches d’habits qu’elles revêtent ou retirent et la bâche dans laquelle elles s’enroulent ou disparaissent, le rappel d’un temps où la vie tenait à un fil, le sentiment de sécurité à une toile plastifiée ou une table sous lesquelles dormir ou se cacher. Une métaphore aussi de la gangue de souvenirs qui surgissent un à un et forment la trame du récit, la structure du spectacle et la partition d’un témoignage en dialogue avec ses partenaires et le public.
Samedi détente, chorégraphie et interprétation Dorothée Munyaneza, avec Alain Mahé et Nadia Beugré
En tournée le 26 mars à Draguignan, le 28 à Château-Arnoux-Saint-Auban, le 31 à Evry, du 7 au 9 avril à Gap, le 14 à Strasbourg
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