De passage au Festival de Deauville et alors que la Cinémathèque française lui rend hommage, il évoque le racisme, les ouragans et les élections US.
Votre prochain film Miracle à Santa Anna raconte la Seconde Guerre mondiale à travers le regard d’un bataillon uniquement composé d’Afro-Américains. Vous aviez d’ailleurs attaqué Clint Eastwood pour la sous-représentation des soldats noirs dans Mémoires de nos pères.
Soyons clairs, je ne prétends pas avoir réalisé le premier film de guerre où l’on voit des soldats noirs. Mais sur le nombre de films qui sortent, la part est infime ! J’ai hâte de voir Red Tails que produira cette année George Lucas après avoir porté le projet pendant longtemps. C’est un film qui racontera l’histoire du premier escadron noir de l’Air Force américaine. J’ai dit et redit ce que j’avais à reprocher à Eastwood, et à présent la page est tournée. Lui et moi, on ne se parle pas, mais il n’y a pas d’animosité entre nous, et il n’y en a jamais vraiment eu. Contrairement à ce que l’on dit, je ne me suis pas énervé, je ne l’ai pas attaqué, j’ai simplement pointé un fait, avec courtoisie.
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Vous avez dit en conférence de presse que la Seconde Guerre mondiale était pour vous le dernier conflit auquel les Etats-Unis avaient eu raison de prendre part.
Ce que je dis, c’est que la Seconde Guerre mondiale constitue à mes yeux le dernier combat mené par l’Amérique pour de solides raisons morales. Aucune des guerres survenues depuis, ainsi que celles en cours en Irak et en Afghanistan, n’aurait dû avoir lieu. Soyons précis : nous avons fait la guerre de Corée au nom de l’anticommunisme, la guerre du Vietnam aussi, la guerre du Golfe pour le pétrole, et l’Irak et l’Afghanistan pour un tas de fallacieuses raisons comme les armes de destruction massive de Saddam…
Votre cinéma enregistre depuis vingt ans les mutations de votre ville, New York, jusque dans une commande comme Inside Man, où vous railliez la paranoïa anti-islam actuelle. Comment voyez-vous les choses évoluer ?
Dans Inside Man, je me moque de ces nombreuses personnes incapables de faire la différence entre un sikh et un musulman, qui pensent qu’ils sont tous des terroristes. Et c’est un symptôme post-11 Septembre qui persiste. Il faut bien mesurer que, sept ans après ce jour infâme, la plaie est encore béante pour les New-Yorkais.
Plus généralement, les choses changent à New York, et en bien, grâce au maire Bloomberg, dont la politique est bien meilleure que celle de Giuliani, dans le domaine de l’éducation par exemple. Mais le problème reste que c’est une ville hors de prix, les gens désireux d’y vivre ne peuvent plus s’installer. Très peu de logements demeurent à un prix abordable. Et je ne parle même pas de Manhattan, mais de Brooklyn, du Bronx, du Queens…
Vous avez réalisé un documentaire sur le désastre provoqué par l’ouragan Katrina. Que pensez-vous de la gestion de la crise actuelle, trois ans plus tard ?
Ces digues qui avaient lâché face à Katrina ne tiennent toujours pas. Quant au gouvernement, il fait un travail à peine meilleur. La prochaine fois qu’un ouragan passera par La Nouvelle-Orléans, plutôt que de la contourner, il engloutira à nouveau la ville. Et cette fois ce sera sans doute la fin.
Pendant votre séjour ici ces derniers jours, avez-vous eu l’occasion d’observer le traitement des présidentielles américaines par les médias français ?
Superficiellement. Mais surtout, cela fait des jours que dans toutes les interviews que je donne en France on m’interroge sur Barack Obama. Et je n’ai qu’une chose à y répondre : Barack Obama sera le 44e président des Etats-Unis.
En êtes-vous si sûr ?
Barack Obama sera le 44e président des Etats-Unis. Et le 5 novembre prochain, le soleil se lèvera sur un monde neuf.
Propos recueillis par Julien Gester
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