Le sculpteur autrichien marquait les esprits lors de sa première rétrospective française au Centre Pompidou en 2018 par sa figuration d’un corps banal, grotesque, jouissif. On le retrouve dans une exposition d’envergure muséale à la galerie David Zwirner à Paris.
Si l’expression consacrée veut que les acteur·rices crèvent l’écran, alors voici un sculpteur qui boursoufle magistralement les cadres. Certain·es se souviennent peut-être de la rétrospective de Franz West (1947-2012) au Centre Pompidou à Paris.
C’était à l’automne 2018, la première rétrospective en France de l’Autrichien irrévérencieux en diable. Et quelque chose comme une mise à jour des conventions étriquées du beau, autant qu’un coup de pied magistral porté aux mises à distances du ou de la spectateur·rice.
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Car à partir de quelques grammes de papier mâché et de plâtre, de textures grumeleuses et de formes protubérantes, que certain·es diront proto-grunge, l’artiste opérait un retournement carnavalesque du corps sur lui-même. Alors s’exprimait, brute et non magnifiée, la banalité de ses fonctions organiques : ingestion et digestion, jouissance et flemmardise.
En arrière-plan, tout un pan de l’histoire de l’art occidental. Le début de sa carrière, à Vienne, se fait sur l’arrière-plan d’un actionnisme viennois morbide et nihiliste. Franz West tue les pères, mais se moque tout autant des frères outre-Atlantique. L’art conceptuel intello, le minimalisme ultra-lisse, il le prend à rebrousse-poil, préfère scruter le théâtre social des bars et cabarets interlopes.
Retrouvailles avec le plus rabelaisien des Autrichiens
Ce printemps, la galerie David Zwirner, à Paris toujours, consacre à Franz West une rétrospective d’envergure muséale. On y retrouve un panorama enlevé et finement installé de ses principales périodes de production, de la fin des années 1970 aux années 2000.
Le parcours commence par les Passstücke : à partir de 1973-1974, l’artiste enroule autour d’une tige de métal ou d’un support en bois un mélange de plâtre blanc et de papier mâché. Le ou la visiteur·euse est invité·e à les manipuler. Sauf que rien n’en induit le mode d’emploi : inconfortables voire impraticables, elles forcent au grotesque pour mieux révéler les normes comportementales intégrées.
Il est également une mise à nu des structures sociales genrées, également, au sein d’une sélection d’œuvres sur papier de la même décennie, hommes binoclards et sévères, voyeuristes de femmes forcément muses, “klimtéennes” et éthérées, auxquelles répondent une série de collages peints des années 2000 : les masques tombent, dans une comédie farcesque où les icônes de papier glacé se parent d’aliments aux placements incongrus – forcément érectiles.
Le mobilier, autre partie clé de sa pratique, décliné dans les années 1990 en divans, bars et autres socles-bibliothèques toujours asymétriques, trop mous, excessivement grumeleux, prolonge une interrogation des codifications ciblant cette fois-ci plus spécifiquement les espaces d’art.
Du musée à la galerie : un autre rapport aux tabous sociaux
Si l’on retrouve avec jubilation certaines des œuvres phares de la rétrospective de Beaubourg, on les reçoit dès lors autrement : le contexte plus intime permet de s’en rapprocher, de tourner autour d’elles. C’est également une interrogation de soi à soi, où le jeu social, tel qu’éprouvé au musée, se fait plus pervers et s’ancre dans les tréfonds de l’inconscient individuel.
Seul·e ou presque face aux œuvres, seul·e face à vos interdits hérités et intégrés, leur puissance perverse germine doucement, là où à quelques rues de là, elles relevaient davantage d’une confrontation frontale.
Franz West, jusqu’au 13 avril à la galerie David Zwirner à Paris.
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