Fraîchement adapté sur consoles, le jeu vidéo du développeur stéphanois Fabrice Breton ose un étonnant mélange des genres.
C’est plusieurs décennies de frustration qu’on exorcise en quelques secondes incrédules. Ne parvenant décidément pas à mettre la main sur le code de cette maudite porte, on se dit que tant pis, ça suffit, on va juste taper comme une brute. Alors on donne un coup, puis d’autres, et voilà qu’une fois le digicode détruit, la porte s’ouvre pour nous laisser entrer. On ne se sent pas forcément très malin·e, mais ça fait du bien. Jamais un jeu à énigmes ne nous avait laissé nous en tirer comme ça.
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Projet du développeur stéphanois Fabrice Breton (qui s’est fait un peu aider pour le design des personnages et leur animation), Brok the Investigator se présente comme l’improbable enfant commun de deux genres vidéoludiques populaires dans les années 1990 et qui viennent de revenir sur le devant de la scène à peu près au même moment : le jeu d’aventure point & click (Return to Monkey Island) et le beat’em up (Teenage Mutant Ninja Turtles).
Brok est ainsi un jeu de bagarre à peu près autant que de réflexion. Mieux : entre les deux options, c’est souvent à nous de choisir celle qu’on préfère pour résoudre les problèmes qu’il nous soumet. Mais il s’agit aussi d’une série d’enquêtes (un peu Phoenix Wright, un peu L.A. Noire, avec notamment un meurtre en huis clos), d’un (quasi-)jeu de rôle, d’un visual novel et même, très momentanément, d’une course de vitesse. Une certaine idée du mélange des genres, donc.
Un futur d’inspiration cyberpunk
Mais que désigne-t-on par le terme de “genre” en matière de jeu vidéo ? Ce n’est pas, comme en littérature ou au cinéma, un type de récit, d’ambiance ou d’univers mais, plutôt, une manière d’interagir avec le monde représenté à l’écran et ses habitants. Ce qui se trouve être précisément l’un des enjeux principaux de Brok the Investigator, dont les personnages, sous leurs allures d’animaux de cartoon pittoresques et/ou rigolos, ont une forte tendance à ne plus trop savoir où ils en sont ni comment ils devraient se comporter, quelle est leur place et comment en sortir ou au contraire éviter d’en être évincé dans ce futur d’inspiration cyberpunk beaucoup plus sombre qu’on ne pourrait le penser.
Par exemple, on n’imagine pas tout de suite que si le crocodile détective privé qui est notre principal alter ego ne livre pas assez vite au clochard installé près de chez lui le médicament qu’il réclame, il ne restera bientôt plus qu’à appeler le “service de recyclage des corps” pour évacuer son cadavre.
Les écueils de la paternité
Sous ses allures de gentille comédie animée, Brok nous parle du deuil ou des écueils de la paternité (et pas seulement quand vous êtes un saurien tentant d’élever l’enfant chat de votre épouse défunte), des privilèges de classes, de la démocratie fragilisée et du fantasme mâtiné d’angoisse d’une post-humanité.
Et si la question du choix, non seulement sous l’angle classique du “quoi ?” mais aussi du “comment ?” (vite, lentement, en finesse, brutalement…), s’y révèle centrale, son boss final, le vrai méchant est le regret, fort logiquement. Quel bonheur, alors, que le jeu vidéo soit la plus fiable des machines à voyager dans le temps…
Brok the Investigator (Cowcat), sur Switch, PS4/PS5 et Xbox, environ 25 €. Déjà disponible sur Mac, Linux et Windows.
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