Florian Zeller poursuit sa prétendument grande œuvre familiale et son triomphe dans le Hollywood noble pour un résultat toujours aussi désespérément creux.
Fort de son triomphe surprise aux Oscars 2022 avec The Father (six nominations, deux récompenses pour le scénario et l’interprétation d’Anthony Hopkins), Florian Zeller s’est manifestement vu remettre illico une éminente position dans le paysage hollywoodien, où l’on semble le considérer comme l’homme fort d’une certaine forme luxueuse, théorique et définitive de tragédie familiale. À 43 ans, le voilà donc en deux films (après tout de même vingt ans de carrière théâtrale en français et en anglais) auréolé du statut qui aura pris une vie à Ingmar Bergman, et donc occupé à enchaîner les adaptations de ses pièces façon jeu des sept familles : après le père, The Son, en attendant peut-être La Mère (créé à Broadway avec Isabelle Huppert).
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Grand bien lui fasse, si cette success story très précipitée ne se fondait sur tant d’esbroufe et si peu de profondeur, car cela commence malheureusement un petit peu à se voir. Dans ce second opus centré sur un adolescent dépressif que ses parents (Laura Dern et Hugh Jackman), récemment séparés, tentent de comprendre, le travail de Zeller repose sur deux piliers qui ne sont pas tout à fait du bois dont on fait les chefs-d’œuvre.
Effets de manche
Le premier est une forme de surenchère opératique, une religion de l’effet qui assimile le travail de la mise en scène à un jeu de prestidigitation. Il fonctionnait à plein gaz dans The Father qui dépensait une énergie folle à tenter de recréer l’état de confusion propre à la maladie d’Alzheimer, mais où tout ce que l’on voyait, c’était la fabrication épuisante, les sprints des technicien·nes hors-champ et les rails de travelling.
The Son n’adopte pas un point de vue de malade, mais n’est néanmoins pas en reste sur ces effets de manches, irruptions silencieuses de personnages, scènes que l’on croit vécues mais qui ne sont qu’imaginées… Fatigue.
Caricatures
Le second, et c’est désormais le principal problème, est une forme de prétention à l’universalité qui se ressent bien sûr dans les titres, mais confère à toute l’écriture une forme de banalité générique, de texture très surfaite et pataude. Les acteur·trices ont moins l’air de jouer des personnages incarnés pleinement que d’imiter une certaine idée commune du drame, née quelque part entre la littérature à l’eau de rose de supermarché et le soap opera, et qui emmène ici les interprètes dans des caricatures de chouinerie plus promises aux Razzie qu’aux Oscars (on met un billet sur Hugh Jackman).
Luxe contemporain des décors, visages de stars tordus par l’émotion, velouté des violons, ralentis pontifiants : aux yeux d’un studio executive hollywoodien, ou d’une intelligence artificielle, le résultat a sans doute l’apparence parfaite du grand drame néoclassique qu’il prétend être. Il ne faut pas en gratter longtemps la surface pour constater à quel point l’enveloppe est creuse.
The Son, de Florian Zeller avec Hugh Jackman, Laura Dern, Anthony Hopkins, Vanessa Kirby – en salle le 1er mars
{"type":"Banniere-Basse"}