Isabelle Huppert retrouve Jean-Paul Salomé pour un thriller social adapté d’une histoire vraie.
Après La Daronne, dans lequel elle changeait sa peau de flic pour celle d’une dealeuse de beuh, Isabelle Huppert retrouve Jean-Paul Salomé cette fois-ci pour un thriller social adapté de l’enquête au long cours du même nom signée Caroline Michel-Aguirre, journaliste chez L’Obs, sur l’affaire Maureen Kearney.
Agressée et violée à son domicile, la syndicaliste et déléguée CFDT d’Areva, groupe multinational français spécialisé dans l’énergie nucléaire, est retrouvée chez elle le 17 décembre 2012 par sa femme de ménage, ligotée sur une chaise, un couteau enfoncé dans le vagin et la lettre A scarifiée sur le ventre.
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Cet événement survient alors que Maureen Kearney tente de mettre en garde le gouvernement contre la menace d’un transfert de technologie nucléaire d’Areva vers la Chine, et est perçu très vite comme une évidente intimidation pour la faire taire.
Mystères et misogynie
À l’image d’une prospection journalistique (les noms sont inchangés et Maureen Kearney a elle-même validé le scénario), le film, prend soin, lui aussi, d’exposer une à une toutes les pièces à conviction de cette affaire symptomatique d’une misogynie omniprésente, dans laquelle la victime a longtemps été désignée comme coupable d’avoir elle-même fomenté cette mise en scène macabre (il faudra attendre 2018 pour que Maureen Kearney soit innocentée).
Cette attention d’orfèvre portée à la reconstitution de l’affaire est la qualité de La Syndicaliste, qui lui donne cet allant de film d’enquête, disposant sous nos yeux sa matière riche et emberlificotée qu’il nous faut dénouer pour tenter de percer la vérité.
C’est aussi ce qui pêche par endroits, tant le film s’évertue à se soumettre aux lois de la reconstitution et notamment celle d’un milieu (la politique), d’une classe sociale (la bourgeoisie, dont Maureen n’est pas issue mais avec laquelle elle doit collaborer), singée ici par des effets de réel trop caricaturaux.
L’uniforme du féminin
Reste dans cette recomposition de l’affaire une idée de mise en scène pertinente et déjà à l’œuvre dans La Daronne : celle qui consiste à faire porter un déguisement, ou plutôt un uniforme à Isabelle Huppert, ici cheveux blonds et frange courte, lunettes bariolées sur le bout du nez.
Ce n’est pas son goût pour toute sorte de travestissement qui s’exprime ici mais plutôt une réflexion sur l’illusion du féminin, sa construction qui est autant une protection (cette scène où Maureen se remaquille après l’agression comme pour remettre son masque social) qu’une condamnation (le geste est considéré comme trop futile pour une femme venant d’être violée).
La Syndicaliste, en salles le 1er mars.
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