Pour accompagner ou plutôt compléter le film “Joyeux Bordel”, comédie de circonstance, dix films ou séquences de films où la fête de Noël est envisagée sous un angle inhabituel, de préférence iconoclaste.
“L’esprit de Noël” est une aimable plaisanterie. Il n’y a pas vraiment d’esprit de Noël, mais un contexte familial et festif qui rend tout possible, y compris le pire. Il y a presque autant de scènes de Noël étranges que de films consacrés à cette fête. L’exemple qui motive notre intérêt circonstanciel est Christmas Office Party, ou en français – toujours classe – Joyeux Bordel, une de ces comédies catastrophes qui pullulent depuis Very Bad Trip ou Babysitting. Des farces qui comportent obligatoirement des scènes de teuf et de défoulement destroy. Mais il y a des films de Noël plus pointus ou même simplement des scènes remuantes se déroulant le 25 décembre. Voici 10 exemples assez frappants et surtout très variés.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Le Chant du Missouri de Vincente Minnelli – 1944
Pour rappeler à quel point Vincente Minnelli, génie de la comédie musicale, par ailleurs grand metteur en scène de mélodrames, maîtrisait la direction d’acteurs (ou plutôt d’actrices), une scène de Noël en apparence anodine. Emaillée d’une chanson de circonstance interprétée par l’Edith Piaf américaine, Judy Garland, alors âgée de 21 ans, elle s’achève dans la fureur et les pleurs d’une petite fille. Tout le désarroi d’un enfant perdant ses repères s’y retrouve exprimé avec rage.
La Vie est belle de Frank Capra – 1946
Sans doute le plus beau conte de Noël au premier degré, qui peut servir de contrepoison au mauvais esprit que nous déversons sur cette jolie fête familiale. Ses prémisses sont cependant assez terribles : un homme va se suicider ; il est sauvé par un ange qui lui montre toutes les horreurs que sa mort aurait entraîné. La beauté du cinéma de Capra réside dans une vision aussi intense du tragique que de sa contrepartie idyllique. Le film doit énormément à la candeur de l’acteur principal, James Stewart ; ses qualités enfantines sont parfaitement en accord avec le propos global. Capra, grand raconteur, tire son don pour l’expressivité de son expérience dans le cinéma muet.
Le Père Noël a les yeux bleus de Jean Eustache – 1966
Franchement pas un film de Noël, mais un moyen métrage assez réjouissant qui pourrait être un spin-off des aventures d’Antoine Doinel, tourné par Jean Eustache dans les rues de Narbonne. Avec Jean-Pierre Léaud, of course, en slacker typique des années 1960, qui fait le Père Noël devant un magasin pour pouvoir se payer un duffle-coat à la mode. En fait, il se sert surtout du déguisement comme d’un piège à filles. Manière radicale de démystifier l’esprit solennel de Noël sur un ton désinvolte post Nouvelle-Vague.
L’Arbre de Noël de Terence Young – 1969
Irradié par l’explosion d’un avion portant une charge nucléaire, un enfant n’a que quelques mois à vivre. Son père décide de tout faire pour rendre ses derniers instants heureux. Mélo feelgood qui est, dit-on, le film le plus poignant des années 1960. Derrière la caméra, le réalisateur des premiers James Bond, épaulé par deux artisans de La Belle et La Bête de Cocteau, Henri Alekan (chef-opérateur) et Georges Auric (musicien). Comme acteurs principaux, un tandem étrange : William Holden et Bourvil (jouant le père et un ami). Pour ceux qui aiment les larmes.
Black Christmas de Bob Clark – 1974
Un des premiers slashers, censé avoir inspiré le Halloween de Carpenter. Cette histoire de meurtrier sadique et invisible agissant le jour de Noël est signée Bob Clark, auteur la même année d’un film horrifique réussi, Le Mort-vivant (sur les conséquences de la guerre du Vietnam). L’extrait choisi est à comparer avec celui de Gremlins qui prend justement en dérision le type de scène de circonstance montrée ici : des enfants chantant un “Christmas carol” devant la porte d’une maison. Evidemment, ce n’est qu’un faux-semblant…
Le Père Noël est une ordure de Jean-Marie Poiré – 1982
Le classique des classiques de Noël, dont l’humour vache-trash est devenu la norme. L’essentiel se déroule dans une permanence de SOS amitié. Une satire de l’hypocrisie et de la charité ostentatoire du christianisme. C’est avant tout une pièce de théâtre filmée, dont l’essentiel réside dans le dialogue et quelques situations croustillantes. Avec Les Bronzés (également tiré d’une pièce), c’est le sommet de la fine équipe du Splendid, qui n’a jamais été aussi drôle que dans ce festival d’outrances ; la palme au duo vieille France incarné avec brio par Thierry Lhermitte et Anémone.
Gremlins de Joe Dante – 1984
Ce film saccage joyeusement le concept de la “Douce nuit, Sainte nuit”, par le biais d’un style cartoon décapant, qu’on ne peut pas manquer ce fleuron de Joe Dante, le plus retors et le plus oublié de la bande des néo-cinéphiles des années 1980 (menée par son producteur, Spielberg). Tout commence avec le cadeau de Noël d’un père à son fils : un mogwai, créature charmante tenant de la peluche. Les fêtes de fin d’année sont le cadre rêvé de l’entreprise iconoclaste de Dante, qui effectue une parfaite synthèse entre conte de Noël pour enfants et cinéma d’horreur. Un jeu de massacre punk.
Les Affranchis de Martin Scorsese – 1990
Si ce n’est pas un film de circonstance, une de ses scènes épatantes se déroule dans un bar le soir de Noël. Formidable contraste entre l’ambiance chaleureuse et la douche froide que fait subir le boss impitoyable (De Niro, what else) à ses sbires, qui arrivent un par un. Il les houspille pour leurs achats luxueux (voiture, manteau de fourrure), signes extérieurs de richesse qui risquent de les faire repérer. La parfaite anti-distribution de cadeaux…
L’Etrange Noël de Mr. Jack de Henry Selick – 1993
Conçue par Tim Burton, cette comédie musicale d’animation revoit la fête de Noël à l’aune gothique de Halloween. Les héros sont des squelettes et des morts-vivants qui incarnent cet oxymore burtonien : la mièvrerie morbide. Au-delà de la célébration de Noël décalée, et de la love-story entre Jack le squelette avec la poupée de chiffons Sally, le clou du film ce sont tout simplement les sublimes et entêtantes chansons de Danny Elfman.
https://www.youtube.com/watch?v=rD6YAvMgjkA
Un conte de Noël de Arnaud Desplechin – 2008
Occasion de retrouvailles et de réunions familiales, Noël est propice aux conflits. On l’a vu chez Scorsese, on le retrouve chez Desplechin, le cinéaste le plus doué pour faire grincer les relations humaines. Un panier de crabes familial se trouve assemblé à ce moment clé de l’année. L’ambiance n’est certes pas à la joie car la survie de la mère de famille, atteinte d’un lymphome, est en question. Cela n’empêche pas les uns et les autres de déballer joyeusement leurs griefs et leurs rancœurs. On pourrait rebaptiser le film Un (règlement de) comptes de Noël.
{"type":"Banniere-Basse"}