A la Maison Sonos, rencontre entre le chef Yoni Saada et le groupe Her qui évoque sa passion pour les fourneaux et la préparation de sa tournée : aux Etats-Unis et aux inRocKs Festival.
A l’occasion d’un dîner organisé par Sonos, nous avons rencontré une partie du groupe Her, prochainement à l’affiche des inRocKs Festival. Alors que le groupe breton se prépare à vivre son rêve d’enfance – une tournée aux Etats-Unis –, Her est venu accompagné de ceux qui gèrent l’indépendance farouche du groupe, de son image à ses contrats. Après une visite des installations Sonos dans une maison dédiée aux plaisirs de la bouche et des oreilles (peut-on rester y vivre ?), le dîner est préparé amoureusement, en musique comme toujours, par le chef Yoni Saada.
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“Je ne conçois pas la cuisine sans chansons, jure cet accro des playlists. Je sais, dès mon entrée en cuisine, en écoutant ce que l’équipe écoute, ce que sera l’ambiance du soir. On commence calmement, avec The xx par exemple, et ça s’emballe ensuite.”
Logiquement, sur un fond de Massive Attack ou Chance The Rapper, qui envahit toutes les pièces de la maison, la discussion porte essentiellement sur deux thèmes: musique et cuisine. On se rend compte que Victor et Yoni partagent une passion commune pour ces deux sujets. Victor Solf, l’un des deux chanteurs d’Her, raconte comment il cuisine régulièrement pour le groupe et parle de son long apprentissage, dès l’enfance, du piano. Ça tombe bien : c’est comme ça que les chefs décrivent leurs fourneaux. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on a ici affaire à d’habiles compositeurs, mais aussi destructureurs.
Her avec les codes de la soul-music, propulsés dans une zone très sexy d’inconfort et de futurisme ; Yoni Saada avec d’autres traditions – le Pan Bagnat par exemple –, elles aussi réformées, modernisées, détournées par la malice et l’audace. On savait la passion de Her pour les musiques
américaines aux racines profondes : on n’est donc pas surpris, en découvrant en avant-première un nouveau titre à peine terminé, Queens, d’y entendre des choristes gospel malmenées par une production à la Kanye West, dans un de ces prodigieux jeux de ping-pong entre hier et demain.
On apprend que Her, groupe dédié à la sensualité féminine, a baptisé Queens en hommage à des femmes modernes, telles que Kaleesi de Game of Thrones ou encore Hillary Clinton. Pendant ce temps, Yoni Saada tue tout le monde avec une mousse au chocolat aussi onctueuse et sensuelle qu’une chanson de Curtis Mayfield.
“La musique est la nourriture de l’amour”, disait Shakespeare. Il est temps de parler à Her.
Quel a été votre premier choc musical ?
Victor Solf, chanteur et compositeur – Un classique du blues, BB King ou Memphis Slim. C’est là, à 12 ans, que j’ai découvert que j’aimais le piano au lieu de juste en jouer. J’avais été longtemps frustré par la musique, je travaillais beaucoup le classique mais sans plaisir, sans jamais me perdre dans mon instrument, sans prendre de hauteur. A 15 ans, j’ai commencé à composer, à me découvrir, à apprendre grâce à la musique.
Depuis, la musique a été un choix définitif ?
Avec des périodes de doute, où j’ai failli tout arrêter. C’est d’ailleurs dans un de ces moments les plus difficiles qu’avec Simon (Carpentier, l’autre chanteur/compositeur) nous nous sommes trouvés, liés pour toujours. Alors que notre groupe, The Popopopops, s’étiolait, nous avons soudain composé à deux plusieurs titres, dont My Mind Is Old. On avait l’impression d’avoir déjà vécu beaucoup de choses, de savoir ce qu’on voulait faire. C’est là qu’on a décidé de faire de la soul : pas une musique figée dans une époque ou une région, mais une musique qui transcende, qui parle de ton âme. Notre musique ne parle que de choses intimes qui nous bouleversent.
Votre musique est sexy, voire sexuelle…
Même si on chante en anglais, c’est notre héritage français. C’est cette façon de jouer avec les codes, de parler de sexe avec poésie, sans vulgarité qui nous a ouvert d’entrée les portes aux Etats-Unis, dès notre chanson Quite Like.
Comment découvrez-vous la musique aujourd’hui ?
On passe notre temps à la recherche de nouveaux sons, à nous remettre en question. Le dernier album de Kanye West a ainsi été une révélation pour moi, un défi. On fait partie de cette génération qui achète beaucoup de vinyles tout en se goinfrant de streaming. Nous avons des abonnnements Deezer, Spotify, Apple… Ou que je sois dans le monde, même dans un bled paumé d’Inde, ma discothèque me suit.
Vous êtes un des rares groupes qui a été invité aux inRocKs Festival sous deux noms : The Popopopops et aujourd’hui Her.
A l’époque des Popopopops, je me cherchais encore. C’est très émouvant de rejouer, même si nous sommes différents. Nous reviendrons juste d’une tournée aux Etats-Unis… C’est un rêve énorme pour Simon et moi, qui sommes obnubilés par la culture anglo-saxonne au point de ne lire qu’en anglais, de ne regarder film et séries qu’en VO sans sous-titres. La langue, c’est une culture, une histoire, il faut la vivre pleinement. Sinon, il ne faut pas chanter en anglais : ce n’est pas un gadget. Après, inconsciemment, même en s’immergeant totalement dans cette musique américaine, nous y apportons notre supplément d’âme européenne. Nous restons humbles face à une culture ancestrale.. Si un viticulteur anglais débarquait et jurait que son vin rouge était le meilleur du monde, ça serait absurde et vulgaire.
Etes-vous des fanatiques du studio, du son ?
Mon studio, c’est chez moi. Aujourd’hui, on peut tout faire seul.enregistrer, mixer, produire, faire ses clips. C’est notre raison d’être. Pour cette musique, nous nous sommes isolés, concentrés : sur la soul, sur Marvin Gaye, sur Otis Redding, sur Michael Jackson… On voulait tout apprendre, notamment sur le chant. Nous sommes de purs produits de la culture internet. Cette génération a toutes les musiques à sa disposition, mais sait aussi s’affranchir des codes.
Votre playlist Sonos est assez symptomatique de cet esprit, englobant les styles et les époques sans limites.
En un clic, on passe d’Otis Redding à Chance The Rapper, on sent que tout est là. C’est la musique que fait Kanye West…C’est pour ça que je prends les playlists à cœur : c’est une façon très intime de nous livrer. J’adore cette notion de partage, de générosité. Rien n’est plus agréable que d’offrir des passerelles entre les gens, les genres.
Plus tôt dans la soirée, tu discutais à bâtons rompus avec le chef Yoni Saada. Quel est ton rapport à la cuisine ?
J’adore cuisiner, c’est un rare moment où j’arrive à penser à autre chose que la musique, qui m’obsède. Je dis parfois que si Her ne marchait pas, j’ouvrirai un petit restaurant. Mais je n’oublie pas la leçon de mon professeur de blues : “attention, Victor : faire de la musique par passion ou par métier, ce n’est pas la même chose”… Quand nous sommes dans notre studio de la région de Dinard, isolés de tout, je fais la cuisine pour le groupe avec les petits moyens du bord : blanquette, rougail… Il y a une recette qu’on laisse mariner longtemps, à base de saumon, de courgettes, d’ail et de tagliatelle. Ça marine en fonction de la composition de la musique : c’est la chanson qui influence le plat, qui peut attendre parfois jusqu’à 3h du matin.
Tu cuisines en musique ?
Toujours. Quand je vois ici, à la Maison Sonos, qu’il existe un boîtier pour relier la platine vinyle au réseau WiFi et donc aux enceintes, j’ai vraiment l’impression d’être chez moi : c’est un respect du son, un mélange d’héritage et de technologie, de tradition et de futur. C’est caractéristique de ce que je suis. Rien n’est plus beau qu’un vinyle joué sur de bonnes enceintes.
Retrouvez la playlist de HER pour son dîner à #LaMaisonSonos
Her sera le 18 novembre aux inRocKs Festival.
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