Combinant adroitement un imaginaire du cinéma américain à un regard acéré sur le réel, le jeune cinéaste Steve Achiepo réussit sa plongée dans le monde des marchands de sommeil.
Plongée ténébreuse dans le monde des marchand·es de sommeil, le premier long métrage de Steve Achiepo avait, de par son sujet, ce qu’il fallait pour rédiger une partition de pur et sage réalisme social. Pourtant, du film de genre, Le Marchand de sable n’est jamais loin, qui puise dans un imaginaire très seventies américain – autant pour définir la complexité de son personnage principal (un antihéros aussi coupable que pétri de bonnes intentions) que pour le traitement granuleux de l‘image et sa structure narrative (le film débute par une longue séquence très réussie de réunion de famille, qui emprunte aux prologues de deux grands classiques du cinéma américain que sont Le Parrain et Voyage au bout de l’enfer).
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Par-delà cette stylisation habilement digérée par son auteur (chose loin d’être commune dans tout un pan du cinéma populaire français, qui parachute maladroitement une mythologie Nouvel Hollywood sans aucun soucis d’homogénéité), Le Marchand de sable porte un regard acéré, et particulièrement percutant, sur la situation du logement en France.
À travers la trajectoire de ces personnages principaux, le marchand de sommeil Djo (Moussa Mansaly) et l’assistante sociale Aurore (Ophélie Bau), ce sont en effet les portraits de deux identités traversées sans cesse par la question de l’entraide – même s‘il faut pour cela outrepasser les règles. Aurore doit respecter un protocole au moment du placement de chaque individu quand Djo est confronté à la question de la légalité puis de la morale.
Juste sobriété
En cela, Le Marchand de sable porte un regard particulièrement complexe et retorse sur le contexte actuel. Soit Djo ne fait rien et laisse les gens sans toit, soit il les place au centre d’un trafic humain, les soumettant ainsi à des conditions extrêmement précaires voire potentiellement dangereuses. Dans cette voie, le récit s’engouffre, jusqu’à un épilogue inutilement surchargé, qui peine à maintenir la juste sobriété qui définissait l’ensemble. Ce regret final ne fait pourtant pas oublier la réussite de l’entreprise. Lorsque le rideau tombe, le film a le mérite de ne pas nous laisser totalement sans réponse. Le seul qui ne remplit pas son rôle et se fige dans l’inaction, c’est bien l’État.
Le Marchand de sable de Steve Achiepo, avec Moussa Mansaly, Ophélie Bau, Aïssa Maïga, Benoît Magimel (Fr., 2023, 1h46). En salle le 8 février.
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