Une semaine après sa prestation remarquée dans « L’Emission politique » sur France 2, l’outsider à la primaire de gauche Benoît Hamon tenait hier soir son premier grand meeting de campagne à Paris. Un rassemblement où le député des Yvelines a voulu affirmer sa stature de présidentiable et se faire le porte-parole d’une gauche résolument décomplexée.
Il suffit parfois d’un chiffre pour s’enflammer. A l’issue de L’Emission politique à laquelle participait Benoît Hamon jeudi dernier sur France 2, un sondage réalisé par Harris Interactive révélait que 63 % des sympathisants de gauche avaient été convaincus par sa performance, contre seulement 51 % pour Arnaud Montebourg lors de son passage sur le même plateau. Alors Benoît Hamon a fait un rêve : devenir le François Fillon de la gauche (la raie sur le côté en moins). Celui qui viendrait perturber le duel annoncé entre Manuel Valls et Arnaud Montebourg, et les coiffer tous les deux sur le poteau.
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« Il se passe quelque chose »
Aussi, depuis quelques jours, une petite musique se fait-elle entendre dans les réseaux socialistes : il se passerait quelque chose autour de Benoît Hamon. Quoi exactement ? Difficile à dire. Mais quelque chose… Une curiosité. Une dynamique. Un mouvement. Eh bien, force est de constater que le gymnase Japy était plein comme un œuf, hier soir, pour venir écouter l’homme qui monte.
Environ 2 500 personnes s’étaient déplacées, et nombreuses sont celles qui se sont vu refuser l’entrée, faute de place. Benoît Hamon en a d’ailleurs plaisanté dès son arrivée sur scène : « La prochaine fois, nous prendrons un espace plus grand. Je vais solliciter un prêt auprès de mon ancien collègue Emmanuel Macron ! » Banquier un jour, banquier toujours…
Une charge violente contre Manuel Valls
Mais très vite, le ton du candidat se fait beaucoup plus grave. « Je voudrais vous parler d’abord de ce qui se passe à Alep, où meurent aujourd’hui nos frères et sœurs en humanité », déclare-t-il. Dénonçant « ce crime de guerre », il fustige « l’impuissance » de l’Union européenne, « le cynisme de certains responsables politiques » et appelle à ce que les responsables du massacre soient traduits devant la Cour pénale internationale.
#Japy : Empêcher les massacres à Alep aurait exigé plus de courage de la part des responsables européens face à la Russie et Bachar El Assad pic.twitter.com/lf0plJ272Y
— Benoît Hamon (@benoithamon) December 14, 2016
Hamon en vient à la question des migrants. Souhaitant renouer avec la France comme traditionnelle terre d’asile, il s’en prend violemment à Manuel Valls : « Je voudrais dire ma honte, lorsqu’un Premier ministre issu des rangs de la gauche est allé tancer une chancelière allemande, conservatrice, pour lui dire de ne pas en faire autant dans l’accueil des réfugiés et des migrants ». Hourras de la salle. Elu président, Hamon promet de créer un visa humanitaire pour permettre à ceux qui fuient leur pays de le faire sans être victimes des passeurs.
Défenseur du modèle social français
Le candidat déroule son programme dans un (trop ?) long discours de deux heures, devant une assemblée particulièrement jeune et attentive. Insistant sur la transition écologique à l’œuvre et l’épuisement des ressources naturelles, il s’en prend au « culte complètement déraisonnable » voué à la croissance du PIB, « qui ne dit rien du bonheur du gens ». Jugeant indispensable de transformer radicalement notre modèle de développement, il amorce un mea culpa :
« Le social et l’écologie sont intimement liés. Je me suis trompé quand j’ai pensé que la question sociale prévalait sur la question environnementale.”
Hamon souhaite désormais atteindre le seuil de 50 % d’énergies renouvelables d’ici 2025, mettre en place un plan national zéro déchet et accélérer le développement de la voiture électrique.
Bien décidé à se poser en « défenseur » du modèle social français, l’élu de Trappes s’engage à abroger la loi Travail s’il accède à l’Elysée. Soucieux de repenser la protection sociale, il avance également sa proposition phare, très applaudie : la création d’un revenu universel d’existence, qui permettrait de donner à chacun la liberté et le pouvoir de travailler moins sans réduire ses revenus. « Son montant devra être discuté, son périmètre aussi, et la façon dont on le finance », précise-t-il. Bref, les contours de la mesure ne sont pas encore tout à fait ficelés.
Droit de vote des étrangers aux élections locales
Sur la question démocratique, il promet de soumettre à référendum trois questions : le droit de vote des étrangers aux élections locales, la reconnaissance du vote blanc et l’instauration d’un « 49.3 citoyen », une mesure qui permettrait à 1 % des électeurs (soit 450 000 personnes) de demander à travers une pétition l’examen ou la suspension de l’application d’une loi.
En évoquant longuement des sujets aussi complexes que la robotisation accélérée des emplois, la « raréfaction du travail » et le « pouvoir de surveillance » des géants du numérique, Hamon a enfin voulu renvoyer l’image d’un homme attaché à penser l’avenir. Il a également mis en avant les travaux des philosophes François Jullien sur les « transformations silencieuses » dans le monde et ceux de Chantal Mouffe sur « l’illusion du consensus » politique, comme pour prendre de la hauteur et tenter de gommer l’image d’apparatchik sans aspérités qui lui colle encore à la peau.
A la sortie du meeting, les militants apparaissaient enthousiastes. « Hamon nous redonne de la fierté d’être de gauche. Cela fait du bien, car durant ce quinquennat, entre la déchéance de nationalité et la loi Travail, on a assisté à un renoncement total de nos valeurs », déclare Mehdi, 32 ans. Son amie Amélie, du même âge, insère néanmoins un petit bémol : « Bien sûr, ce n’est pas un tribun à la Mitterrand. Mais il est très solide sur le fond. Fillon non plus n’est pas un immense orateur. Ça ne l’a pas empêché de gagner sa primaire ». CQFD.
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