“Désir sous la pluie”, nouvelle anthologie du mangaka culte, réunit des histoires graves et émouvantes datant des années 1980. Dans un Japon peuplé de personnages.
“Je me souviens qu’à cette époque j’étais, je ne sais pourquoi, fortement attiré par des choses belles et misérables.” Dans la courte histoire “Paysage de quartier”, Yoshiharu Tsuge met dans la bouche de son protagoniste, prenant la défense de ses voisin·es coréen·nes menacé·es d’expulsion parce qu’occupant un bidonville, quelques lignes de la nouvelle “Le Citron” de son compatriote l’écrivain Motojirō Kajii.
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Cette vision de la vie, où le sordide n’empêche pas la beauté, résume bien le regard porté par l’auteur japonais sur le quotidien de ses personnages, qui essaient d’oublier la médiocrité de leur existence grâce à des petites joies ou des grands rêves. Avec son trait précis, Tsuge rend poétique des habitations insalubres ou du linge qui sèche dans une pauvre ruelle.
Ces récits rassemblent des artistes raté·es se résignant sans heurt à leur destin
Dans cette nouvelle anthologie – la sixième – publiée par les éditions Cornélius, on retrouve son goût pour l’érotisme violent, notamment dans l’étrange narration qui donne son titre à ce recueil, et sa facilité à mettre en scène des dialogues crus. Parus entre 1981 et 1985, ces récits qui rassemblent des artistes raté·es se résignant sans heurt à leur destin et des anonymes prêt·es à tout pour survivre, annoncent aussi le chef-d’œuvre L’Homme sans talent (1986), avec lequel ce grand névrosé, aujourd’hui âgé de 85 ans, a bouclé sa carrière.
Désir sous la pluie de Yoshiharu Tsuge (Cornélius), traduit du japonais par Léopold Dahan, 220 p., 26,50 €. En librairie le 9 mars.
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