Cette fresque historico-politique, mêlant à la fiction des images d’archives pour coller au réel de l’époque, suit les trajectoires de trois amis d’enfance qui choisissent des chemins contraires.
Bruxelles, 1981. Soutenue par quelques accords postpunk, Vicky Vice, présentatrice sur une radio pirate, se lance dans un édito habité aux airs de sermon. Rejetant l’injonction à choisir son camp dans un monde polarisé, elle y invite la jeunesse à embrasser la voie du cœur – si possible avec une bonne playlist. À l’image, un montage d’archives synthétise les enjeux politiques de l’époque en un grand mix où se télescopent Reagan et Gorbatchev, Thatcher et Jean Paul II, manifestations étudiantes et répression policière.
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Créée par Willem Wallyn et mise en scène par Wouter Bouvijn, la série belge 1985, présentée en compétition au festival Canneséries, se tient à ce point de friction où l’idéalisme adolescent se confronte aux aspérités d’un réel profondément pessimiste. Marc, Franky et sa sœur Vicky viennent de décrocher leur diplôme d’études secondaires et “montent” à Bruxelles. Les deux amis intègrent la gendarmerie quand la jeune femme entre à l’université. Alors qu’ils et elle sont plongé·es dans des milieux aux règles et aux idéaux opposés, leurs chemins divergent lentement au fil d’une décennie marquée par la radicalisation des groupuscules d’extrême droite et les tueries du Brabant, une série de crimes et de braquages sanglants dont les ressorts n’ont jamais été élucidés.
Une sensibilité rugueuse
Intelligemment construite et reposant sur un casting solide où chacun·e joue dans sa langue d’origine (français ou flamand), la série n’appartient donc pas au champ des fictions adolescentes mais à celui, plus diffus, de la perte de l’innocence et des désillusions inhérentes aux premiers temps de l’âge adulte. Captant la jeunesse avec une sensibilité rugueuse qui n’est pas sans rappeler Le Monde de demain, elle noue ses trajectoires fictionnelles à une fresque ambitieuse qui sonde les plaies encore béantes du pays, partageant en cela la charge politique d’Oussekine.
Au fil des épisodes, le thriller policier gagne en ampleur pour instruire la radiographie d’une institution (la gendarmerie) en crise. La mise à nu de ses rituels physiques – scènes de douche, entraînements, jeux collectifs, passages à tabac, uniforme – éclaire le formatage progressif d’esprits encore mal dégrossis en quête de sens ou d’appartenance, quand les collusions avec les milieux politique ou criminel brouillent les cartes de la morale et de l’éthique.
Une belle ampleur mélodramatique
Ouverts par des cartons informatifs et clos par des images d’archive, les épisodes témoignent d’une déférence envers le réel qui empêche parfois le récit de prendre pleinement son envol. Soumise aux éléments historiques comme à une multitude de vents contraires, la narration perd parfois en adhérence avec ses personnages cabossés, qui en constituent pourtant la part la plus émouvante.
Ces réserves mises de côté, 1985 séduit par la finesse de son écriture et la complexité de son propos, dont l’ampleur mélodramatique et le courage politique en font une des plus belles découvertes de ce début d’année.
1985 de Willem Wallyn, avec Tijmen Govaerts, Aimé Claeys et Mona Mina Leon… Prochainement sur Canal +.
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