Avec leur nouveau jeu, les créateurs de “Deliver Us the Moon” persistent dans une science-fiction humaniste et non guerrière sous l’influence de “2001” et “Interstellar”.
C’est, au fond, un jeu d’action. Pas comme on l’entend d’habitude, avec des courses, des bagarres et des explosions, mais au sens le plus simple du terme : un jeu où l’on agit, où l’on fait des choses plutôt que rien. Parfois, les choses en question consistent à “lancer un diagnostic des contrôleurs d’altitude” ou à “purger les conduits” en manipulant des leviers et des boutons. Parfois, c’est orienter des lasers pour rétablir l’alimentation électrique de telle porte d’une base ou d’une station spatiale par laquelle il semble urgent de passer. Voilà, mission accomplie, concentrons-nous sur la tâche suivante. Car tout le reste est vertigineux.
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Dérèglements climatiques
Pensé par les frères Koen et Paul Deetman, cofondateurs néerlandais de KeokeN Interactive, Deliver Us Mars s’inscrit dans le prolongement de leur Deliver Us the Moon, mais en plus luxueux et ambitieux. Leur science-fiction n’est pas celle des fantasmes et des grandes conquêtes mais, plutôt, de la recherche désespérée d’une échappatoire alors que tout laisse penser qu’il est déjà trop tard. Pour rendre à nouveau habitable la Terre épuisée par les crises énergétiques et les dérèglements climatiques. Pour retrouver ce père parti très loin qui pourrait avoir mal agi (et qui porte curieusement le même prénom, Isaac, que le héros du plus musclé Dead Space fraîchement passé par la case remake).
Notre alter ego s’appelle Kathy. Elle est la plus jeune des astronautes envoyé·es vers Mars à la recherche d’une dernière chance de sauver l’humanité. Kathy marche, escalade, regarde autour d’elle, résout des énigmes avec son assistant robotique volant et conduit des véhicules dans ce jeu qui ne semble pas toujours bien savoir s’il voudrait être Myst ou Uncharted – ce qui n’est pas nécessairement un défaut. Kathy, surtout, se souvient ; et ce qui constitue le jeu est la manière dont son enfance remise en scène se mêle, pour elle comme à l’écran, avec ce qu’elle vit actuellement. Ce n’est pas pour rien que les auteurs évoquent Interstellar et 2001.
Utopies perverties
La science-fiction comme porte ouvrant sur l’intime, qui rapproche le tout petit (le très personnel) et l’immensément grand (le cosmique, l’universel) : telle est la ligne que suit avec une grâce un rien brinquebalante ce Deliver Us Mars hanté ludiquement par les fantômes d’à peu près tout le monde (en plus des titres déjà cités : BioShock et ses utopies perverties, les “walking sims” atmosphériques, les “simulators” de boulots…). Et pourtant, le jeu s’exprime d’une voix bien à lui.
Kathy ne porte pas d’arme – pas son style, ni celui du jeu – mais possède un outil permettant de “couper” certains métaux, pour ouvrir une trappe (une cache à secrets ?) ou libérer un réacteur ou une antenne géante d’un élément qui s’y est coincé, poids mort qui nous contraint, nous retient. Couper ou relier, repartir à zéro ou bâtir une continuité : voilà le dilemme qui s’impose à la jeune femme comme à l’humanité et dont Deliver Us Mars offre une représentation d’autant plus troublante que le métaphorique y fusionne avec le littéral, pour venir nous frapper en plein cœur de l’espace intersidéral.
Deliver Us Mars (KeokeN Interactive/Frontier Developments), sur PS4/PS5, Xbox et Windows, environ 30 €.
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