Dans son nouveau spectacle, la chorégraphe agite les corps de son quatuor en signe de révolte et invente de nouveaux rituels, pour exprimer les colères et partager les peurs.
Dans Mascarades, précédent solo, Betty Tchomanga s’intéressait à Mami Wata, divinité à l’ambiguïté fascinante. D’une certaine manière, la danseuse et chorégraphe tombe le masque avec Leçons de ténèbres, quatuor créé entre le Bénin et la France. Sept stations comme autant de leçons où voix et murmures, gestes et soupirs racontent mille et une histoires. “Nous avons des récits à chanter, des danses à donner, des places à revendiquer, des colères à exprimer, des peurs à partager”, commente Betty Tchomanga.
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Leçons de ténèbres va vous prendre par la main et ne plus vous lâcher. Dès l’entrée en salle, où des fantômes ont pris place, le décor est dressé, fait de chaises blanches dans un carré de scène.
Cette scénographie, la chorégraphe en fait le réceptacle de ce naufrage évité, une planche pour surnager, un éden, qui sait, pour revivre. L’énergie va crescendo, circulant entre le public et
les interprètes. Le mouvement part du bas du corps, remontant en soubresauts jusqu’au buste. Le rythme, comme une pulsion de vie pour dire cette histoire d’oppression, cette lutte entre l’eau et le feu, cet espoir fragile.
Une free party d’enfants du vaudou
Betty Tchomanga invente de nouveaux rituels, certains plus aboutis que d’autres, pour donner à voir la lumière après les ténèbres. Danse renversée dont les têtes se reflètent dans le miroir d’eau, gestuelle saccadée par-dessus bord. Dans ces instants les plus libérés, Leçons de ténèbres a des allures de free party. On harangue la foule, Tchomanga elle-même susurre “I’m a Vodoo child”. On chante en breton (Zoé Jaffry, surprenante adolescente à la manœuvre).
On comprend alors qu’une tempête menace, et pas seulement sous un crâne. Les soubresauts des danseur·ses comme des soulèvements sont signes de révolte. Gants aux doigts, maquillage poudré sur le cou et les bras, ils et elles ressemblent à des pantins animés de pulsions. Ils et elles se reniflent, se toisent, lancent aux spectateur·rices des regards de possédé·es.
Betty Tchomanga a retenu la leçon des années passées aux côtés de Marlene Monteiro Freitas. Le visage ainsi souligné exprime toutes les facettes de l’âme. Leçons de ténèbres est également un métissage musical, puisant aux sources multiples que sont Curtis Mayfield, Don Cherry ou Jacob ter Veldhuis.
Un finale électrique
Le spectacle, parcouru de ces scansions chantées ou jouées, trace sa route. Il nous perd parfois, un bref instant, puis nous cueille à nouveau. Il faut écouter ce que Leçons de ténèbres a à nous dire, sur les corps (dé)colonisés, sur la mémoire (ré)appropriée. Jusqu’au finale électrique. Leçons de ténèbres ne manquera pas de gagner en force au fil des représentations portées par Amparo Gonzalez Sola, Léonard Jean-Baptiste, Betty Tchomanga et Zoé Jaffry (en alternance avec Balkis Mercier Berger). “Nous creusons jusqu’à déterrer l’invisible, jusqu’à la métamorphose”, concède Betty Tchomanga. Ces ténèbres, devenues un peu les nôtres, rencontrent alors la vérité.
Leçons de ténèbres chorégraphie Betty Tchomanga, avec elle-même, Amparo Gonzalez Sola, Léonard Jean-Baptiste et Zoé Jaffry (en alternance avec Balkis Mercier Berger). Les 2 et 3 mars, festival Dañsfabrik, Brest. Le 11 mars, festival Artdanthé, Vanves.
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