Plusieurs associations et collectifs (#NousToutes, Acceptess-T, Fédération Parapluie Rouge, Les Dévalideuses et Act-Up) ont lancé début janvier une interorganisation pour décompter les féminicides. Béatrice Pradillon, cofondatrice des Dévalideuses, a répondu à nos questions.
Pourquoi avoir lancé Inter Orga Féminicides?
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Béatrice Pradillon: Depuis 2018, #NousToutes relayait un décompte des féminicides réalisé par le collectif Féminicides par compagnons ou ex. Puis, ce collectif a tenu des propos transphobes et #NousToutes a décidé de s’en détacher et de faire de son côté un décompte moins limité des féminicides. Un groupe de bénévoles, qu’on appelle aujourd’hui la task force, s’est mis à faire un travail de veille pour détecter tous les féminicides et rapidement est venue l’idée de créer une interorganisation. Début 2022, on s’est alors mis·es à travailler sur une définition commune du féminicide: où commence-t-il? Où s’arrête-t-il? Quels sont ses contours d’un point de vue théorique? Ce travail de préparation nous a pris un an avant que l’Inter Orga Féminicides (IOF) voit officiellement le jour.
Comment vous organisez-vous en interne?
On a deux ou trois personnes de chaque collectif au sein de l’IOF, donc on est une douzaine en tout. On fait le travail de communication, d’organisation, de gestion des réseaux sociaux mais le plus gros travail est fait par la task force de #NousToutes, une quinzaine de bénévoles avec lesquelles on travaille main dans la main. Ce sont elles qui sont chargées de la veille médiatique et qui épluchent chaque jour tous les articles de presse relatifs à des meurtres de femmes. D’ailleurs, ce n’est pas normal que ce travail repose sur des bénévoles: le gouvernement devrait mettre en place un observatoire pour réaliser un décompte officiel et analyser ces chiffres.
En quoi votre décompte sera-t-il différent de celui du collectif Féminicides par compagnons ou ex?
Le décompte de ce collectif s’arrête au cadre conjugal. C’est l’un des pans des féminicides qu’on connaît le mieux: ceux commis par le mari, l’ex-conjoint, souvent au moment de la séparation. Mais il y a beaucoup d’autres féminicides qui ont lieu hors du cadre conjugal et jusqu’ici on ne les comptabilisait pas: de cette façon, on a longtemps sous-évalué le nombre de féminicides en France. Un féminicide, c’est aussi une travailleuse du sexe tuée par un client, une femme qui a refusé les avances d’un collègue qui va la tuer ou encore un fils qui va tuer sa mère âgée. On s’est accordé sur une définition assez large du féminicide, et nous avons décidé qu’elle pourrait également recouvrir des suicides forcés car il arrive parfois que les maltraitances psychologiques poussent des personnes à bout qui finissent, par désespoir, par se suicider.
Quelle définition du féminicide avez-vous adoptée?
Un féminicide, c’est le meurtre ou suicide forcé d’une femme en raison de son genre, et ce quel que soit son âge et les circonstances. Les féminicides s’inscrivent dans un contexte de violence patriarcale systémique et/ou au croisement d’autres systèmes d’oppression. Nous pourrons être amené·es à faire évoluer notre définition en fonction des situations que nous rencontrerons.
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