Créée en 2021 par Michael Lucas et réalisée par Emma Freeman, “The Newsreader” raconte les dessous du journalisme tv en six épisodes. Une série à voir sur Arte.
Les séries qui regardent la télévision de près n’ont jamais vraiment suscité l’enthousiasme, comme si le petit écran rechignait à se mettre en scène lui-même. Le dernier gros hit en date, The Morning Show, a eu besoin d’un casting hollywoodien majeur (Jennifer Aniston, Steve Carell), opérant une forme de rupture avec quelques phares du passé comme 30 Rock ainsi que les tentatives d’Aaron Sorkin, scénariste génial d’À la Maison Blanche. Celui-ci s’est attaqué trois fois au sujet à travers Sports Night (1998-2000), Studio 60 On The Sunset Strip (2006-2007) et The Newsroom (2012-2014), pour scruter la vie de bureau à la fois banale et atypique que requiert le métier, de son regard vif et parfois désabusé. Les deux premières méritent d’ailleurs d’être vues et beaucoup aimées.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
C’est aussi à Sorkin que l’on pense en premier devant l’australienne The Newsreader (Profession : reporter en français). Diffusée en 2021 dans son pays d’origine, elle arrive chez nous sur Arte dans une relative discrétion. Michael Lucas, son créateur, explore le quotidien d’une chaîne de télé et de son journal de 18 h, le plus prestigieux, quand l’info ressemble à un pouvoir qui rend fou, quand l’antenne rend addict. Quelque chose dans le rythme à la fois fluide et rapide des scènes, leur façon de monter en épingle ce qui pourrait constituer des détails, rappelle les séries du maître new-yorkais. Mais Profession : Reporter mène aussi sa propre vie, en racontant comment une reporter aguerrie, Helen Norville (Anna Torv), se retrouve à présenter le journal avec un vieux de la vieille sûr de son fait, en place depuis trente ans. Autour d’eux, un jeune journaliste, Dale Jennings (Sam Reid), éprouve la différence entre le fait de tourner des reportages plus ou moins sérieux et de montrer sa tête tous les soirs à des millions de personnes. Le tout durant les années 1980, quand le journalisme old school dominait encore les salles de rédaction.
Le sexisme, le racisme, l’homophobie…
Dans ses premiers épisodes assez superbes, Profession : Reporter traverse une forme d’état de grâce, dévoilant les coulisses d’un métier largement méconnu avec un enthousiasme communicatif, parvenant à faire exister plusieurs personnages en dehors du trio central, n’hésitant jamais à lancer généreusement des pistes dignes d’un soap sophistiqué entre les séquences de pur journalisme. Helen et Dale se rapprochent, et à travers eux, la série s’intéresse aux dynamiques de pouvoir et de genre qui se jouaient alors (et continuent bien sûr de se jouer) dans les rédactions. Le sexisme comme une deuxième nature du boss et de la plupart des hommes haut placés, le traitement des minorités, tout cela donne aux épisodes un fond assez passionnant et plutôt surprenant… jusqu’à un certain point.
Après la mi-saison et surtout dans ses deux derniers épisodes, la machine se grippe un peu. Nous sommes alors devant le cas typique d’une série qui vise un peu trop haut, moins convaincante que ses ambitions affichées. Il est question pêle-mêle d’un coming out bisexuel contrarié, de l’épidémie de SIDA, du traitement médiatique ultra-homophobe des malades et de la communauté gay, de la discrimination en cours dans la chaîne… C’est parfois assez confus. L’équilibre entre le désir légitime de fiction et l’envie de traiter des sujets sérieux se retrouve en danger.
Une prochaine saison 2
La deuxième saison, qui commence en mars en Australie, devra redresser la barre. Mais il y aura toujours une bonne raison de regarder Profession : Reporter : la présence de l’extraordinaire Anna Torv dans la peau du personnage principal. L’actrice née à Melbourne, issue comme Cate Blanchett de l’Institut National d’Art Dramatique de Sydney, a été découverte dans les années 2000 avec l’excellente série US Fringe avant de séduire dans Mindhunter. On la voit aussi en ce moment dans The Last of Us. Ici, elle donne toute la mesure de son talent, entrant dans les scènes au pas de course, capable de toutes les subtilités pour mettre en lumière le mélange qui caractérise son personnage, coincé entre l’ambition et le trauma. Avec une comédienne de cette trempe, tout est possible.
Profession : Reporter (The Newsreader) créée par Michael Lucas avec Anna Torv and Sam Reid est disponible sur Arte.tv
{"type":"Banniere-Basse"}