La pop têtue et rêveuse de Fujiya & Mitagi, les plus romantiques robots d’Angleterre.
Il ya quelques années, je traînais une amie, lourdement salariée de l’industrie du disque londonienne, à un concert de Fujiya & Miyagi, découverts quelques semaines plus tôt dans une arrière-salle de pub de leur ville de Brighton. Danses robotiques, funk omelette norvégienne (chaud et froid dans la même bouchée gourmande) : le groupe entretenait, avec nonchalance, l’héritage d’autres danseurs de chambre froide, des Talking Heads à Kraftwerk, d’A Certain Ratio à Wire.
La réaction de l’amie fût sans appel : les Strokes et les Libertines venaient de fondre sur la ville, et il lui fallait de la basket éventrée, du jean moule-mollet et de la guitare savamment négligée. “Trop ringards avec leurs costards, plus personne n’écoute d’électro, ils ne dureront pas six mois” prévoyait-alors, avec cette acuité et cette ouverture d’esprit qui a précipité son industrie vers la ruine et la honte. Combien de ses groupes aux chansons et vestes de cuir pareillement étriquées ont depuis fait faillite, combien de godelureaux électriques flottent désormais, étrons flétris, dans les eaux glauques de la Tamise ?
Les “ringards” ont depuis, eux, patiemment, loin des vents fous de la hype, eu le temps d’affiner leur formule, leur singularité – et d’accumuler les amitiés précieuses de musiciens ou blogs qui comptent (de Pitchfork à DFA). Anomalie dans sa propre ville de Brighton, où l’électro aime généralent plus le chambard que la contemplation (de Fatboy Slim au nouveau venu L-Vis 1990), Fujiya & Miyagi l’est aussi en Angleterre, n’appartenant vraiment à aucune caste, aucun mouvement mort-né.
Trop instruit pour être accepté (le quatuor cite Nabokov ou Bresson), jouant loin des agitations londoniennes (“Etes-vous plutôt Metronomy ou plutôt Hot Chip ?”, ce genre de débats de fond), le groupe continue sur ce troisième album, avec plus de sensualité et de fluidité encore, à organiser un impossible Yalta entre un funk lascif, un krautrock enragé, une pop bucolique et une électro méditative. Le liant entre ces éléments hétéroclites, voire incompatibles, s’appelle David Best, la voix neutre, pâle et pourtant particulièrement expressive, hantante, des Brightoniens.
On leur laissera le mot de la fin, quand, chroniquant leur propre musique, ils évoquent “James Brown sous Valium, Wire tombé dans la pop, Serge Gainsbourg avec un diplôme en électronique épaulé par David Byrne et produit par Eno… Du darwinisme qui aurait mal tourné”.
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