Du hip-hop paulista au “son” cubain en passant par les ballades créoles et la salsa de Cali, toute l’actualité de la musique latino-américaine…
Criolo, Ainda Há Tempo
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Les faits remontent à dix ans mais aucune prescription ne sera requise : en 2006, Criolo enregistrait dix titres de hip-hop enragé, cru et sans concession. L’album fut tiré à 500 exemplaires qui s’évaporèrent immédiatement, cramant les neurones de ses acquéreurs telle une drogue aux effets fulgurants. C’est cette matière fiévreuse tirée de l’expérience du rappeur comme éducateur dans les rues de São Paulo que ce “nouvel” album rend enfin accessible à tous, à travers des versions entièrement réenregistrées. Tenir Ainda Há Tempo donne ainsi l’impression de posséder ce trésor rare : un classique dont l’actualité demeure entière.
La Mambanegra, El Callegüeso y su Malamaña
Rien de pire qu’une fête qui ne prend pas, rien de plus assommant qu’une salsa qui vous cloue à votre fauteuil. Avec La Mambanegra, nulle crainte à avoir : la sauce prend aussitôt, pimentée à souhait, explosive, conçue pour vous débarrasser de toute inhibition et vous remplir de bonnes vibrations. Magie des percussions souples et obsédantes, des cuivres extravertis et des invitations à la joie lancées par ces neuf musiciens qui ont su adopter les manières new-yorkaises pour les métisser au soleil infernal de Cali, en Colombie.
Aurelio, Darandi
Hérault de la culture garifuna – ce peuple dont les ancêtres auraient survécu au naufrage de bateaux négriers dans les eaux caribéennes pour trouver une vie meilleure sur les côtes du Honduras –, Aurelio a enregistré ce quatrième album solo dans des conditions live afin de préserver la spontanéité des rythmes, l’entrain des guitares et la vivacité du chant repris en chœur. De fait, ces chansons distillent une émotion qui ne tient ni à l’harmonie ni aux cadrages millimétrés des consoles d’enregistrement, mais à une communion symbiotique entre les musiciens et une âme populaire, des corps bien vivants et un monde idéel sans âge.
Omar Sosa & Seckou Keita, Transparent Water
Chacun a un talent bien trempé, le pianiste Omar Sosa évoluant dans les eaux mystiques du jazz caribéen, Seckou Keita attentif aux douces imperceptibilités de sa kora mandingue. Placée sous le signe de la transparence, on ne pouvait qu’attendre de leur rencontre qu’elle atteigne la subtile majesté du cristal. Légèreté et sérénité ne se démêlent jamais dans ce dialogue enrichi par la présence de musiciens asiatiques comme Mieko Miyazaki (koto), Wu Tong (sheng) et E’Joung-Ju (geomungo). A retrouver le 16 mars, au Café de la Danse.
Nilamayé, Las Flores del sol
D’où vient qu’en entendant Nilamayé, on se prenne à songer aux cosmogonies indiennes, fumées animistes et opacités humides des forêts gorgées de sève mystérieuse ? D’où vient que cette musique nous isole si radicalement de notre temps ? Sans doute de ce qu’elle est directement tirée du mythe, puissance immémoriale, inaccessible à la compréhension et toujours aussi redoutable pourvu qu’on sache la raviver. Cette formation de percussionnistes et chanteurs spécialisés dans les traditions afro-colombiennes y excelle justement, refusant toute fioriture pour ne pas s’éloigner de la source, d’une pureté envoûtante.
Daymé Arocena, Cubafonía
La protégée de Gilles Peterson a déjà prouvé avec son premier album qu’elle avait du coffre et de la présence, ainsi qu’une gaieté capable de transcender le cadre très calibré de ses interprétations. On retrouve ici cette dualité, mais exacerbée par l’ambition plus haute que la jeune femme de 24 ans porte sur ses épaules : foisonnante et puisant dans de nombreux styles cubains et latins, la production menace sans cesse de submerger la voix, contrainte de lutter de toute sa technique, de toute son énergie, pour la mettre au pas. De ce combat parfois vain, Daymé sort généralement victorieuse. Mais son grand disque reste encore à venir.
BélO, Dizan
Musicien autodidacte, BélO chante en créole ou en français des ballades dominées par des sonorités acoustiques et qui empruntent aux musiques caribéennes (notamment au reggae) comme au folk et au jazz. Leur principal atout réside dans la conviction vibrante qui anime la voix de ce troubadour totalement engagé dans son art. Célèbre en Haïti et dans les Antilles, BélO l’est moins en métropole, injustice que devrait réparer cette compilation regroupant 11 de ses meilleurs titres et 11 duos avec des artistes haïtiens, dont Emeline Michel et James Germain.
https://www.youtube.com/watch?v=h3_Tzx1rCwM
Diego El Cigala, Indestructible
Etrangement, alors que Diego El Cigala a connu une gloire un peu abusive pour son cante gitano souvent oublieux de quelques règles élémentaires, il convainc dans un contexte latin où on pouvait craindre la grande escroquerie. Bien sûr, plutôt que d’innover, il regarde dans le rétroviseur (ici la salsa des années 70) et laisse à quelques pointures le soin de dérouler une musique rutilante et prévisible, mais sa sincérité ne paraît pas douteuse et son chant émeut bien plus que lorsqu’il s’époumone à vouloir ressusciter El Camarón de la Isla. Salsero plutôt que flamenco, donc ? Oui, et tant mieux pour tout le monde.
La Familia Valera Miranda, Cuba. Son & bolero
Enregistré il y a vingt ans, ce disque méritait largement d’être réédité, non seulement pour ses beautés toutes simples, son immédiateté chaleureuse et ses petits trésors de chansons anciennes, dont certaines antérieures au XXe siècle, mais aussi parce qu’il permet de découvrir dans toute leur authenticité les formes traditionnelles de l’est de Cuba – l’Oriente –, le son et le boléro. La Familia Valera Miranda en donne des interprétations tranquilles et malicieuses, sans forcer sur la nostalgie même si l’ensemble distille inévitablement un parfum délicieusement désuet.
https://www.youtube.com/watch?v=35OWxwhvzPs
Juana Molina, Halo
Pénétrer dans un nouvel album de Juana Molina, c’est retrouver le mélange de jubilation et d’étonnement, d’appréhension et d’émerveillement que seul peut inspirer le génie. Le mot est fort ? Pas pour cette étrange Argentine qui fait ce qu’elle veut comme elle veut, ignore la tempérance, même harmonique, ensorcelle les sons, reconfigure les matières à sa volonté, compose le cadre de son expression sans se soucier d’aucun schéma préétabli ni s’emmurer dans l’hermétisme. Avec Juana, les portes s’ouvrent, laissant filer l’air en transes obliques et en vagues infra-mélodiques, libérant la musique et nous avec elle. A paraître le 5 mai.
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