Déception et désespoir. Ce sont les premières impressions des militants du Nouveau parti anticapitaliste (NPA), réunis au Zèbre, une salle de spectacle du XIe arrondissement parisien. Pour eux, « voter Emmanuel Macron, c’est préparer le terreau du Front National en 2022 ».
Lumières rouges, drapeaux et slogans parsemés à travers la pièce. La couleur est annoncée. La salle de spectacle Le Zèbre, dans le coin populaire du XIe arrondissement de Paris, est comble pour cette soirée électorale du Nouveau parti anticapitaliste (NPA). A l’intérieur, la foule attend fébrilement son candidat, Philippe Poutou, crédité de 1,7% des votes.
Une heure avant les résultats, Samir, 30 ans, est venu saluer ses anciens camarades du NPA. Dans le froid du début de soirée, l’évocation d’un second tour entre le trio Marine Le Pen, François Fillon ou Emmanuel Macron, son poil se hérisse: « Je suis anti-capitaliste et anti-raciste. Même si Macron passe, ce n’est pas la solution. Il a fait ses preuves en passant outre le Parlement avec la loi Travail, qu’il a aidé à élaborer. » Il préfère s’abstenir le 7 mai prochain. Un peu plus loin sur le boulevard Ménilmontant, un couple arrive pour la soirée, mines renfrognées. « Je ne suis pas surpris, simplement dégoûté, renâcle Thomas Miele, documentaliste. Je ne voterai pas pour Marine Le Pen, mais je n’ai pas non plus envie de voter pour Emmanuel Macron. À moins de changer d’avis au dernier moment dans l’isoloir, je voterai blanc. »
Salle comble (capacité environ 200 personnes) pour le NPA. Qqs Ouh qd le nom de #Macron est prononcé #Presidentielle2017 #RadioLondres2017 pic.twitter.com/OyxTy69nd7
— Florence Morel (@Flo_Morl) 23 avril 2017
« Prendre la rue pour continuer le combat »
Les résultats tombent tel un couperet. Au second tour, il faudra choisir entre le candidat En Marche! et le Front national. « Tous ensemble grève générale ! », scandent les militants durant le discours de Philippe Poutou. « Il faut reprendre la rue contre l’extrême-droite et les mesures d’austérité. Nous comprendrons la volonté de protéger contre le danger mortel, mais nous tenons à rappeler que ce sont les politiques d’austérité qui ont formé le terreau du Front national, déclare Philippe Poutou. Tout ceci n’est que le signe d’une grande crise politique. »
« Poutou President ! » Tonnerre d’applaudissements pour le candidat NPA et « Poutou renverse-les » #ElectionsPresidentielles2017 pic.twitter.com/8UXCi99Ddf
— Florence Morel (@Flo_Morl) 23 avril 2017
Les adhérents du NPA ne voteront pas Emmanuel Macron. Pour eux, il est impensable de choisir celui contre lequel ils se sont battus il y a un an. « Le barrage républicain, pour nous, c’est un véritable piège », assène Barthélémy, étudiant à Nanterre. Trois jeunes discutent autour d’une bière. « Que ce soit le libéralisme ou la xénophobie, ce n’est pas un choix », assène Léo, étudiant à Paris. « On n’ira pas voter. On se fera un petit weekend entre militants », plaisante Caroline, enseignante, entre deux gorgées de bière. « On n’ira pas voter, mais aux grèves et aux manifestations, ça, on ira!, reprend Léo, brandissant sa bouteille brune en serrant le poing. De toute manière, quand on vote Philippe Poutou, c’est qu’on est sortis de toute logique électoraliste. »
Dans la salle, les militants et sympathisants du NPA consomment bières et planches de charcuterie en attendant leur candidat. En fond, la soirée électorale diffusée sur France 2 ronronne. Quand François Fillon fait son allocution, la foule se met à chanter: « Rends l’argent, rends l’argent », en tapant des mains. Des sourires complices illuminent les camarades, venus digérer la nouvelle ensemble. C’est le cas de Jeanine, 83 ans. « Je préfère être entourée plutôt que de ruminer toute seule dans mon canapé », plaisante-t-elle. « Je ne suis pas sûre d’aller voter dans quinze jours. Blanc, peut-être. Pour Macron, c’est impossible », songe-t-elle, le regard soudain porté vers le sol.
« Une campagne réussie »
« Au moins, notre parole et notre combat auront réussi à se faire entendre », se félicite le candidat anti-capitaliste. Une analyse partagée par ses soutiens, satisfaits de la campagne. « Même si le résultat ne se voit pas dans les urnes, nous avons eu beaucoup de messages de sympathie », ressent Tristan Daul, 30 ans. Attablé avec Paul, enseignant, les deux comparses d’un soir philosophent: « Philippe a réussi à montrer une voix singulière au sein de tous ces hommes politiques. C’est un ouvrier qui travaille et se lève tôt. Au delà du score, ses dénonciations ont porté. » Jeannine, ancienne militante Ligue communiste révolutionnaire longtemps représentée par Alain Krivine, partage ces constats: « J’aime sa sincérité. J’ai vraiment apprécié qu’il ait eu une place dans les médias cette année. On a entendu parler de Jean-Luc Mélenchon comme porte voix de l’extrême gauche, ce qui m’a fait sourire. Philippe Poutou, lui, il remet en cause le système économique et le pouvoir des banques. »