Une poignée de filles de 20 ans lâchées dans un New York post-Sex and the City. La comédie à voir absolument.
Le printemps sera féminin ou ne sera pas. Depuis la mi-avril, on a le droit d’inventer ce genre de slogan inutile mais mignon, car Girls a pointé le bout de son joli nez dans la grille de HBO, la chaîne des Soprano mais aussi du grand écart. Quoi de commun entre les sombres envolées costumées du Trône de fer, à plusieurs millions de dollars l’épisode, et cette nouvelle comédie amère made in New York, minimale et discrète ? A peu près rien.
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Si Girls se cherchait une parenté dans l’histoire de la chaîne, elle regarderait plutôt en arrière, vers Sex and the City (1998-2004) et ses quatre filles dans le vent. C’est d’ailleurs ce qu’elle fait, citant nommément son ancêtre dans le pilote. Pour mieux s’en détacher. En dehors de similarités de surface (les mésaventures sentimentales de quatre jeunes femmes à Big Apple), tout sépare Girls de Carrie Bradshaw et ses copines, leur âge comme leur attitude face à la vie. Hannah, Marnie, Jessa et Shoshanna ont dépassé la vingtaine depuis peu, tandis que Carrie, Miranda, Charlotte et Samantha avaient déjà la quarantaine en ligne de mire ; leur principale perspective s’appelle la crise économique et morale du monde occidental (elles avaient une dizaine d’années lors du 11 septembre 2001) alors que leurs devancières ne rêvaient que de luxe et de volupté.
http://www.youtube.com/watch?v=NFX3j0q6kPk&feature=fvst
La césure est forcément franche. Sans chichi, Girls propose une vue en coupe de quelques filles d’aujourd’hui, lâchées dans une époque à la fois dure et libre. Dès les premières minutes, l’héroïne Hannah perd sa position de stagiaire – non rémunérée ! – et le soutien financier de ses parents. “Je paierais très cher pour avoir 24 ans”, lui lance sa gynéco, à qui elle répond du tac au tac que personne ne la paie, elle, pour avoir cet âge. Le monde n’est pas son ami. On a déjà croisé ce genre de fille emportée par la lose récemment à la télévision américaine (notamment dans l’estimable sitcom New Girl, avec Zooey Deschanel), mais jamais aussi crûment qu’ici.
Le ton inventé par Lena Dunham se distingue par sa subtilité. A 26 ans, la protégée de Judd Apatow, qui produit la série, a déjà plusieurs cordes à son arc, sans que l’une ne prenne le pas sur l’autre Elle est à la fois la créatrice de Girls, sa scénariste numéro un, la réalisatrice de nombreux épisodes, son actrice principale boulotte, bavarde et exhib. Dunham reproduit dans une forme sérielle le système expérimenté dans son premier film Tiny Furniture, buzz indé de 2010.
http://www.youtube.com/watch?v=PF_jWPJwKIE
Cette jeune femme étonnante, dialoguiste très douée et amoureuse mal dans sa peau, a raconté sur Twitter à quel point elle aimait le cinéma de la Française Mia Hansen-Løve (Un amour de jeunesse surtout) avec qui elle partage un goût pour la délicatesse et les situations d’intimité captées comme si de rien n’était.
Centrée sur des thèmes ultrapersonnels (la sexualité, l’amitié, l’impossibilité de réussir sa vie), Girls brille par sa mise en scène d’une parole qui ne se revendique jamais comme sociologique. Dans ce monde parallèle qui est aussi le nôtre, on se croise, on se touche, on se perd, et toutes les répliques peuvent faire mal au ventre. Dunham est aussi très forte pour faire surgir une émotion ou un sentiment par un simple geste que d’autres couperaient au montage sans y faire attention. Ses limites ? Elles existent, comme dans toute entreprise esthétique qui fait du quasi-insignifiant sa matière. Jamais loin de nous énerver, la série remporte pourtant la mise en souplesse, comme dans le final sublime de l’épisode 3, parfait petit condensé pop et sentimental que l’on aimerait voir et revoir toute la vie.
Girls créée par Lena Dunham. Saison 1. En VOD sur Orange cinéma séries.
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