À la même date qu’Emmanuel Macron, le candidat du Frexit François Asselineau était à Nantes hier soir. Pour quatre heures de meeting longues comme une renégociation de traité européen. Entre poses gaulliennes, ton alarmiste et « goodies » boutons de manchette en forme de pièces de 1 Franc.
François Asselineau s’est livré hier soir devant une salle de 800 personnes à la Cité des Congrès de Nantes à un minutieux travail de démolition du fonctionnement de l’Union européenne. Et de ses homologues politiques, passés ou présents. Provoquant en provenance de supporters galvanisés des huées à l’évocation de Jean-Claude Juncker, François Fillon, Jean-Luc Mélenchon et, surtout, Emmanuel Macron, présent avec Jean-Yves Le Drian à Nantes au même moment et dont le « pensez printemps » est abondamment raillé. François Asselineau ne se prive pas de répéter que, s’ils ont tous deux fait l’ENA, il a vingt ans d’expérience de plus que l’ex-ministre de l’Économie.
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Mais contrairement au leader d’En Marche !, François Asselineau reste un micro candidat crédité de pourcentages d’intentions de vote infinitésimaux. Ce haut fonctionnaire blanchi sous le harnais d’élus de droite comme Charles Pasqua a pourtant trouvé sa place dans la campagne. Profitant du débat à onze du 4 avril pour imposer sa verve tatillonne et sa connaissance des arcanes communautaires. Avec ses faux airs de Ian Holm/Bilbo dans Le Seigneur des Anneaux, il a su considérablement élargir ses phalanges de supporters.
Revendiquant aujourd’hui presque 26.000 adhérents pour son parti l’UPR, habile acronyme qu’on jurerait pensé pour titiller la fibre gaulliste qui sommeille en chaque nostalgique du Rassemblement pour la République. Pour ses partisans, François Asselineau, c’est le « grand homme », celui qui fait longuement meeting debout, façon stand-up oscillant entre Palmade et Desproges. Celui qui ne saute pas sur sa chaise « comme un cabri en disant l’Europe, l’Europe, l’Europe ».
« C’est un prophète politique »
« François Asselineau est le reflet de ce qu’a toujours été la France, s’emballe Franck, professeur breton revendiquant un passage par la case NPA. Il permet de redécouvrir ce que disait De Gaulle« . Venu de Saint-Lo, aide archiviste en hôpital, Philippe, lui, a longtemps oscillé entre vote blanc et vote vert : « Au début, notre thématique du Frexit nous assimilait à Le Pen. Mais depuis deux trois ans, les gens ont compris que nous n’avons rien à voir avec le FN« .
Pas de crispations identitaires ni de dénonciations atrabilaires de l’immigration à l’UPR. En effet. C’est plutôt le Brexit des voisins britanniques qui sert aujourd’hui de caisse de résonnance à Asselineau et à ses agitateurs de drapeaux bleu blanc rouge. « Quand j’ai découvert les conférences de François Asselineau, j’écoutais beaucoup Nigel Farage de Ukip« , confirme un sympathisant croisé aux abords du Palais des Congrès, à quelques mètres du véhicule de police de rigueur pour tout rassemblement militant.
« Moi, j’ai longtemps rêvé des Etats-Unis d’Europe avant de réaliser que le parlement européen ne servait à rien« , témoigne Thomas, qui compte sur les résultats de l’UPR aux législatives pour se faire embaucher comme permanent. « Pour moi, François Asselineau, c’est un prophète politique« , déclare Caroline, qui se présente comme cybermilitante. Eduquée dans des valeurs de droite, Caroline a convaincu son amie Nawel, plutôt portée jusqu’ici sur le vote PS, de venir assister au meeting.
Variante catastrophiste et euronihiliste de Cheminade
C’est qu’une conférence de François Asselineau se mérite. Dense, technique, exagérément longue, à peine rythmée par quelques bons mots et les gloussements de la foule, on est bien face à une variante du lunaire Jacques Cheminade mais teintée de courbes de tendance catastrophistes et d’euroscepticisme virulent (euronihilisme ?). « Les torrents de délocalisations industrielles que nous avons subies trouvent leur source dans l’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne qui impose la libre circulation des mouvements de capitaux sans contrôle ni restriction« , analyse François Asselineau qui n’envisage du coup l’avenir que sous forme de Frexit, en entamant la procédure de sortie de la France de l’UE et de l’euro. Et ce à travers l’article 50 du traité sur l’Union européenne.
De quoi faire baisser, après avoir déprécié le nouveau franc de 10 %, le nombre de chômeurs de 1 à 2 millions en deux ans, selon une étude de la très chevènementiste fondation Res Publica. François Asselineau reste ancré à droite de l’échiquier politique, avec des hommages appuyés au général ou à Philippe Seguin. « Trop de charges pèsent sans doute sur les TPE-PME« , émet-il avant d’opter un peu plus tard pour le vocable plus consensuel de « cotisations sociales ». Il faut bien élargir une base électorale qui semble pour l’instant davantage préoccupée par la suppression du régime social des indépendants que par le passage aux 32 heures. Mais il est déjà plus de minuit quand le meeting s’achève. Et le chemin reste encore long avant que François Asselineau et ses fans pourtant archi-motivés puissent prétendre rivaliser avec le foisonnement geek et les bataillons de colleurs d’affiche de la « Mélenchonmania ».
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