Pour son dernier grand rassemblement, Benoit Hamon a rassemblé 20 000 personnes sur la place de la République, à Paris, le 19 février. Entre scuds à ses concurrents et appel à refuser le vote utile, celui qui n’est plus qu’en cinquième position dans les sondages, fier de sa campagne, a annoncé qu’il “se battrait dimanche, et après”. Dans la foule, pourtant, ses sympathisants n’y croient plus guère.
Debout devant son pupitre, il a l’air serein. “A vous de décider, de choisir non pas un nom sur un bulletin dimanche, mais quelle société, quel peuple vous voulez être !” A quatre jours du premier tour de l’élection présidentielle, Benoît Hamon voulait “faire battre le cœur de la République” sur la place parisienne du même nom, habillée pour l’occasion d’énormes ballons portant le même message.
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C’est au final des palpitants convaincus mais un peu résignés – 20 000 selon le candidat PS himself – qui ont investi les lieux mercredi à partir de 17 h, pour assister à ce qui, en tout vraisemblance selon les sondages, devrait être le dernier grand rassemblement de campagne du vainqueur de la Belle alliance populaire (BAP). Au menu : fanfares, forums animés par des intellectuels engagés à ses côtés (Piketty, Cagé…), drapeaux de toutes les couleurs, affiches en forme de cœurs – décidément – et concerts.
« Je tiendrai bon »
Crédité de 8,5 % des intentions de vote – un score en hausse de 1 point en une semaine, comme le rappelle Ouest-France – et toujours en cinquième position derrière Emmanuel Macron, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et François Fillon, l’ex-frondeur ne semble plus en mesure d’accéder au second tour, ses équipes craignant même, en privé, qu’il n’atteigne même pas les 10 % de voix, voire les 5 % nécessaires au remboursement des frais engagés.
Mais Benoît Hamon a “tenu bon”, comme il l’affirme à plusieurs reprises, passant parfois du passé au futur : “Je tiendrai bon.” Fier de sa campagne et des valeurs qu’il a portées – “J’ai défendu mon éthique, j’ai défendu la gauche sur son axe historique, celui de la justice sociale et du progrès” – le candidat déroule son programme (revenu universel d’existence, conversion écologique, droit de vote des étrangers….) tout en faisant parfois référence à la trahison de certains membres du PS, partis vers en En marche !, mais aussi en taclant ses concurrents.
« Giscardisme relooké »
Marine Le Pen et François Fillon bien sûr, mais aussi Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon. Peu avant, Martine Aubry, soutien du député des Yvelines, s’était donné la même mission : “On nous explique que quand on est de gauche, on aurait deux options. Jean-Luc Mélenchon, avec ses promesses intenables, Ou alors, Macron, qui ne se dit ni de gauche ni de droite. Pour moi, je l’ai déjà dit, ça veut dire ni de gauche ni de gauche, soyons clairs.”
Hamon, lui, parle de “giscardisme relooké” pour évoquer l’ex-ministre de l’Economie : “Vous êtes des citoyens, donc ne les laissez plus vous parler comme à des clients, comme à des parts de marché, comme à des consommateurs, qu’on séduit comme une publicité à la télé”. Tandis qu’il attaque le patron de la France insoumise, sans jamais le citer, sur sa volonté d’intégrer l’alliance bolivarienne, tout en l’accusant d’être “fasciné par Poutine, tyran de son peuple et complice du bourreau al-Assad”.
S’adressant particulièrement à “la jeunesse de France”, Benoît Hamon fait alors le serment “de [se] battre avec la rage des lions sculptés ici sur la place de la République”, citant tour à tour Cicéron, Primo Levi, Emil Cioran, Abd-al-Malik, Olympe de Gouges ou encore Guy Debord et sa célèbre “société du spectacle”, décriée par le socialiste.
“Camille, Mamadou, Leïla, David, Bilal : je me battrai pour qu’ils soient enfin égaux devant l’école, devant l’emploi, devant le logement. (…) Pour que plus personne dans ce pays n’ait plus à subir l’affront inacceptable d’être jugé pour ce qu’il ou elle est, déclare-t-il notamment vers la fin de son discours. Je me battrai dimanche, et je me battrai après. Je me battrai après avec vous, et je me battrai toujours.”
« Il n’a pas trouvé le bon positionnement »
Un petit Lilly Wood and the Prick, une Marseillaise et puis s’en va, voilà, c’est fini. Dans la foule, Maorie, élégante retraitée de 64 ans arborant un pin’s “Revenu universel d’existence”, est convaincue de son choix, même si elle garde peu d’espoir sur l’issue du scrutin : “Il propose vraiment un futur désirable (…) J’espère qu’il atteindra au moins les 10 %… On verra.” Elle en semble très peinée.
Lucie, venue avec ses amis, votera elle aussi Hamon dimanche : “C’est un vote de conviction. C’est important de ne pas toujours être dans la stratégie, de faire un choix de cœur, surtout qu’en tant que citoyen on n’a pas beaucoup de pouvoirs démocratiques”. Mais idem, n’y croit plus trop.
Drapeau de l’Union européenne en main, Jean Desessard, membre d’EE-LV et sénateur, analyse ainsi la dégringolade d’Hamon dans les intentions de vote : “Il a l’étiquette PS, ainsi que celle du bilan du quinquennat. Par ailleurs, il n’a pas réussi à se positionner après la primaire, a contrario de Mélenchon et Macron. Il n’a pas trouvé le bon positionnement entre la rupture et la sécurité qu’il faut maintenir.”
Il est 20 h 30, les soutiens hamonistes quittent progressivement la place. Un ballon s’envole dans le ciel, vers la gauche, puis disparaît on ne sait pas trop où. A la sortie de l’important périmètre de sécurité autour de la place – récente menace terroriste oblige – des militants de la France insoumise tractent.
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