Le long métrage “Des garçons de province” esquisse trois douces histoires de ruralité queer et teintées de mélancolie.
Du désir fou qui naît du surgissement d’une drag-queen venue de Paris jusqu’à une déambulation laconique dans un petit village en passant par une rencontre avec un photographe pour réaliser des photos de charme, Gaël Lépingle – qui signait L’Été nucléaire, sorti en mai dernier – esquisse le récit en trois temps de trois jeunes garçons habitant à la campagne. Ne se croisant jamais dans un même espace, très différents les uns des autres (singularité soulignée par un format de prises de vue propreà chaque épisode, du 1:33 au CinémaScope), les personnages sont saisis dans des portraits successifs, comme pour mieux dire les doutes et la mélancolie qui les lient. Coécrites avec Michaël Dacheux (auteur du joli L’Amour debout en 2019), ces trois courtes histoires teintées de mélancolie tchékhovienne forment un kaléidoscope enveloppé de douceur sur l’expérience homosexuelle dans un cadre rural.
Comme dans les pièces du dramaturge russe, les personnages rêvent d’ailleurs. Il faut quitter l’apathie du quotidien pour mieux s’extirper de sa condition. S’échapper n’est pourtant pas chose aisée. Certains franchiront le pas et d’autres non, ou en tout cas pas encore. Que la fuite soit consommée ou non, Des garçons de province capture un moment de bascule dans la vie des trois protagonistes, amenés à préciser et assurer leur identité autrefois sourde et le plus souvent invisibilisée. Peut-on alors habiter un espace si l’on ne peut s’épanouir dans son être ?
Nouvelle attente ou fuite en avant
Cette question posée en creux pendant tout le film trouve sa plus belle incarnation dans le deuxième épisode du triptyque, suivant un jeune homme qui déambule dans son village sur des talons. La ligne claire de ce récit quasiment muet et l’anguleux dépouillement des cadres qui évoquent les films de Damien Manivel dépeignent une silhouette en mouvement, marchant sur du vide. Si la dernière image de ce fragment ne précisera pas s’il s’agit d’une nouvelle attente ou d’une fuite en avant pour l’homme en talons, celui-ci aura, le temps d’une journée, appris de ce vide.
Des garçons de province de Gaël Lépingle, avec Léo Pochat, Yves-Batek Mendy, Édouard Prévot (Fr., 2022, 1 h 24). En salle le 1er février.