A partir d’une campagne de pub pour Elf réalisée en 1967, Olivier Mosset et Jean-Baptiste Sauvage explorent le cercle comme fétiche esthétique.
En 1967, l’artiste suisse Olivier Mosset inaugurait un célèbre cycle de peintures dont le motif fétichisé était un cercle. Jusqu’en 1974, moment où il choisit de se consacrer aux bandes, il peignit au centre de ses toiles blanches un cercle noir neutre. Une manière maximaliste de réinterroger, sur un mode minimal, la peinture et la fonction même du peintre.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Cette révolution conceptuelle qu’Olivier Mosset mena alors avec Daniel Buren, Michel Parmentier et Niele Toroni, à travers le groupe dit BMPT, s’appuyait sur un manifeste théorique, “Nous ne sommes pas peintres”, publié à l’occasion du Salon de la jeune peinture de 1967 au musée d’Art moderne de la Ville de Paris.
Olivier Mosset ne cherche dans la peinture que sa “seule présence”
“Puisque peindre, c’est valoriser le geste ; puisque peindre, c’est illustrer l’intériorité ; puisque peindre sert à quelque chose…, nous ne sommes pas peintres”, affirmaient-ils. Ce refus de l’expressivité ou de tout effet a conduit Olivier Mosset à ne chercher dans la peinture que sa “seule présence”. Ses tableaux tendent à n’être “que de la peinture”, sans signification, mais ouverts à tout.
En même temps que s’imposaient dans le champ de l’art les cercles de Mosset qui déconstruisaient la peinture, apparaissait sur les routes de France une campagne publicitaire de la jeune société Elf avec ce même motif. Des ronds rouges de plusieurs mètres de diamètre apparurent sur les murs et dans les 4 200 stations-service de l’enseigne. D’un cercle à l’autre. D’un champ à l’autre.
Un étrange phénomène de synchronisation entre un geste artistique et un geste publicitaire
C’est cet étrange phénomène de synchronisation entre un geste artistique et un geste publicitaire, habités par une intuition esthétique commune, qu’interroge la magnifique exposition Olt, qui fait ainsi écho à cette campagne publicitaire de 1967, à l’Espace de l’art concret (EAC).
Fasciné par la redécouverte de cette opération, Jean-Baptiste Sauvage documente l’histoire de sa conception et la survivance de ses traces sur quelques murs de l’Hexagone cinquante ans plus tard. Lui-même adepte des peintures in situ, l’artiste a associé Olivier Mosset à cette exploration, archéologique, documentaire et artistique, d’une pure mythologie d’un signe.
A quelle sphère créative se raccrochent ces cercles ?
Au-delà de la fascination pour la forme circulaire et de la volonté d’en prolonger la reproduction dans leurs belles œuvres respectives, ici exposées en miroir, dans un jeu concentrique et circulaire (des ronds noirs, bleus, rouges…), Sauvage et Mosset interrogent les correspondances secrètes entre art, publicité, design, graphisme…
A quelle sphère créative se raccrochent ces cercles, selon qu’ils sortent d’un atelier d’artiste ou d’un studio de création publicitaire ? Cet effet de symétrie est d’autant plus fascinant qu’il s’opère dans l’espace physique au moment où l’espace mental est atteint par la publication de La Société du spectacle de Guy Debord. Comme si, en 1967, la confusion des signes du visible inaugurait l’histoire d’un trouble esthétique.
Les cercles, parfois rouges, en écho au film du même nom de Melville sorti en 1970, créent un pur vertige visuel dans les belles salles de l’EAC de Mouans-Sartoux. Ces cercles obsessionnels et sublimes nous rappellent à cette réalité d’un art concret qui ne se distingue des arts appliqués ou du design publicitaire qu’à partir de la fonction qu’on lui prête. La force de l’art, c’est aussi de se situer dans le monde visible qui l’entoure, et d’en sublimer les traces.
Olivier Mosset et Jean-Baptiste Sauvage – Olt jusqu’au 5 novembre à l’Espace de l’art concret (EAC), galerie du Château, Mouans-Sartoux
{"type":"Banniere-Basse"}