Ce ne sont pas des tubes bourrés d’idées éphémères que présente ce troisième album de l’Américaine, mais bien la quintessence d’un son éthéré, d’une fuite en avant, d’un r&b irrémédiablement tourné vers l’avenir.
La pochette de son nouvel et troisième album affiche une photo en noir et blanc, très pure, très mélancolique, immortalisant le visage d’une femme méditant, le corps dans l’eau, et l’air concentré. Est-elle en profonde réflexion ou au bord de la noyade ? À défaut d’en connaître la signification, il est possible d’exprimer une certitude : toute la musique de Kelela est ici résumée en un cliché. Foncièrement immersive, celle-ci a en effet pour particularité d’accueillir le spleen et la lenteur en featurings privilégiés, même quand les rythmiques tentent de mettre le feu aux hanches. C’est que cette musique céleste s’écoute parfaitement dans la solitude, le corps affaissé, uniquement bercé par le songwriting bienfaiteur de Kelela.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
C’est cette voix, d’une beauté sidérante, qui est chargée de créer l’unité quand, tout autour, les mélodies se montrent rétives aux classifications hâtives, hostiles à toute forme de sensibilité mainstream – il faut croire que l’on ne craint pas les grands écarts lorsqu’on a travaillé avec Solange, Gorillaz, Arca ou Danny Brown. La bonne nouvelle, c’est que cela n’est jamais confus.
Se dandiner langoureusement ou s’effondrer sur le lit ?
Raven est tout simplement fascinant dans ses errements volontaires, capable d’accueillir une soul languide comme des instrumentations troublantes, puisant dans divers courants (grime, 2step, électronique) afin de favoriser l’émergence d’une communion festive. Pour s’y repérer, le mieux est encore de faire confiance à Kelela, une des rares artistes actuelles à pouvoir incarner à ce point des chansons propulsant le r’n’b dans le futur, à jouer ainsi en équilibre.
La beauté de ces quinze morceaux, leur puissance de séduction, le plaisir sensible et inédit qu’ils procurent tiennent effectivement à leur faculté de multiplier les pistes. Cela provient également de cette façon somme toute singulière d’expérimenter sans jamais ramener sa science, dans cette facilité à mettre en son des chansons finalement hybrides, mais dont les ingrédients se révèlent savamment dosés. Car, oui, au fond, Raven donne autant envie de se dandiner langoureusement que de s’effondrer sur le lit, d’embrasser l’être aimé·e que de se balader au moment des aubes brumeuses. Un genre de chaud-froid d’excitation et de morosité qui fait de Kelela l’amie idéale en ces temps troublés.
Raven (Warp/Kuroneko). Sortie le 10 février.
{"type":"Banniere-Basse"}