“Late Developers” n’arrangera pas le procès en trahison intenté à Stuart Murdoch. Est-ce si grave ?
La qualité d’émotion délicatement charriée par If You’re Feeling Sinister (1996) reste à la fois le miracle et le fardeau de Belle and Sebastian. Apprécier les plus récents albums des Écossais nécessite de faire fi de cette innocente fragilité.
Dans la frange la plus radicale des fans de la première heure, il en est qui ne jurent que par l’épure et pour qui le divorce est depuis longtemps consommé. Issu des mêmes sessions que le chaleureux A Bit of Previous (2022), Late Developers ne sonnera pas l’heure de la réconciliation. Le fossé entre If You’re Feeling Sinister et les nouvelles chansons de Murdoch & co est peut-être plus grand qu’il ne l’a jamais été, et pas toujours pour le meilleur – même si Stuart est devenu un excellent chanteur.
La production XXL, les tentatives soul et rock, avec toute leur bonne volonté manifeste, échouent régulièrement à convaincre, surtout au long d’un milieu d’album où siège I Don’t Know What You See in Me. Un single dont le temps dira s’il est un plaisir coupable ou un moment gênant. On y décèle certes une pulsion juvénile (venue peut-être de Wuh Oh, coauteur du titre), façon Vampire Weekend, mais la pauvreté mélodique, l’AutoTune en réglage standard et l’habillage cheesy – assez amusants comme exercice de style – laissent au mieux songeur quant au choix de ce titre pour annoncer l’album.
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Un album coupé en deux
Pourtant, Late Developers a bien mieux à offrir. De la comptine Will I Tell You a Secret à la charmante mélancolie de When the Cynics Stare Back From The Wall, les mélodies sont bien là, entêtantes à souhait à défaut d’originalité : en ouverture, les “padadam-padam-pam” de Juliet Naked annoncent la couleur, avant de laisser Give a Little Time rejoindre le Hang de Foxygen (2017) au Panthéon de la pop faussaire. Et When We Were Very Young distille dans son refrain une qualité smithienne de spleen fédérateur.
Surtout, la fin de parcours relève la tête en même temps que les bras : dansant et rutilant, Do You Follow est le véritable tube de l’album, et le morceau-titre conclut l’affaire en farandole. Entre les deux, le déjà cité When the Cynics… fait le pont entre l’orfèvrerie des débuts et l’amusement évident pris par la bande. Plutôt que vivre comme une trahison leur mue en faiseurs bancals de pop de synthèse, nourrie autant de Paul Simon que d’ABBA ou de Billy Joel, c’est aussi cela qu’il faut entendre dans Late Developers : le son d’un groupe qui s’amuse. Et qui, même sur une collection de chutes, signe au moins une moitié d’album parfaitement recommandable.
Late Developers (Matador/Wagram). Sortie le 13 janvier.
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