“Amours (2)” est la reprise d’une pièce créée en prison avec des détenus, faite de fragments d’anciens spectacles. Un plateau dépouillé mais une merveille d’écriture et un ravissement d’incarnation.
Amours (2) est peut-être mineure dans le répertoire du metteur en scène Joël Pommerat à côté des immenses Cendrillon, Ça ira (1) Fin de Louis, Contes et Légendes (la liste est longue…). Elle s’impose néanmoins comme une pièce majeure dans le paysage théâtral actuel, et l’un des plus beaux spectacles vus en 2022. Malgré son dépouillement. Malgré sa brièveté. Malgré sa finalité a priori sociale.
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Comme beaucoup, l’artiste intervient dans des prisons pour travailler avec des détenus. Avec Caroline Guiela Nguyen, il crée, à la Maison centrale d’Arles, Marius d’après un texte de Marcel Pagnol, en 2017. Puis Amours (1), en 2019 (qu’il dirige seul cette fois), une pièce faite de fragments de trois anciens spectacles (Cet enfant – la recréation de Qu’est-ce qu’on a fait ?, 2003 –, La Réunification des deux Corées, 2013 et Cercles/Fictions, 2010). Amours (2) en est la reprise, à quelques ajustements près. Jean Ruimi, l’un des prisonniers, a depuis été libéré ; le voilà désormais devenu comédien professionnel. Il partage l’affiche avec Redwane Rajel, un ex-détenu également, repéré dans Hamlet à l’impératif ! d’Olivier Py au Festival d’Avignon, et trois comédiennes professionnelles : Roxane Isnard, Élise Douyère et Marie Piemontese.
Sur le plateau, il n’y a rien – ou presque
Amours (2) n’a rien d’un best of de Pommerat. Il s’agit plutôt d’une série de variations sur l’amour malade, et la brutalité inouïe qu’il peut engendrer. Au fil de scènes qui excèdent rarement la dizaine de minutes, on y découvre, entre autres, un fils mal aimé et son père buté s’affrontant enfin à armes égales, un couple vacillant quand le fantôme d’une histoire passée revient les hanter, une mère dépassée par les événements offrant son bébé à des amants stériles. Sur le plateau, il n’y a rien – ou presque (deux chaises, autant de spots, un téléphone portable), à l’inverse des créations habituelles du metteur en scène où les effets sonores et lumineux, omniprésents et extrêmement travaillés, participent à la sidération artistique. Et pourtant, celle-ci reste intacte. C’est bien l’écriture et la direction d’acteur·trices qui font que le théâtre de Pommerat est le théâtre de Pommerat : des précipités de vie croqués au cordeau, le quotidien bousculé par le drame et les expériences limites, l’humour noir et malicieux de son auteur au détour de chaque phrase, et ce jeu si juste, si délicat, si intense de ses comédiens et comédiennes, amateur·trices et professionnel·les.
Amours (2) texte et mise en scène Joël Pommerat, avec Marie Piemontese, Roxane Isnard, Élise Douyère, Redwane Rajel, Jean Ruimi. Les 2 et 3 février, Théâtre Jean-Claude Carrière, Montpellier. Du 21 au 24 février, La Coursive – Scène nationale La Rochelle.
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