Un an après l’album du projet panafricain Batuk, ce stakhanoviste de 31 ans continue de rassembler avec un nouvel album solo. Rencontre avec une future légende venue d’Afrique du Sud.
Nouvel album solo. Dans quel mood es-tu ?
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Spoek Mathambo – Super excité ! Ça fait longtemps que j’attendais cette sortie. Je pensais finir cet album beaucoup plus vite, mais j’ai changé beaucoup de choses. Des morceaux, des collaborations ont sauté au fur et à mesure de la sélection.Cet album s’est fait au fil des rencontres.
Il s’appelle Mzansi Beat Code.“Mzansi” est un mot d’argot dérivé du zulu, il désigne l’Afrique du Sud…
Le choix des mots n’est jamais innocent. Parler le français du XVIe siècle et parler le français de Verlaine ou le français d’Algérie, ce n’est pas la même chose. Le mot “Mzansi” renvoie à une image urbaine de l’Afrique du Sud. Cet album est une photographie de ce que j’aime en ce moment dans le pays.
Est-il une réponse musicale à ton documentaire, Future Sound of Mzansi, dans lequel tu partais à la rencontre des musiciens électroniques sud-africains ?
Absolument. Dans un sens, je me suis inspiré de ce documentaire et de ces rencontres. J’ai appris énormément de choses. L’album est la somme de ces dernières années de découvertes et de démystification. Le “code” de Mzansi Beat Code, c’est une compréhension de certaines règles musicales, puis la déconstruction de ces règles, et enfin leur réutilisation d’une nouvelle manière.
L’album de Batuk, l’année dernière, était aussi un album de collabs. Quelle est la différence cette fois ?
C’est comme dans un album de Bruce Springsteen ou John Coltrane, il y a toujours plein d’invités, tu vois ce que je veux dire ! Ça n’empêche pas que la vision d’ensemble, le processus créatif, la production exécutive, c’est moi qui les gère. Batuk était un monstre à trois têtes avec Manteiga et Aero Manyelo. Batuk est une démocratie, il suffit de savoir y faire des compromis.
A chaque fois, l’idée est de porter la voix des autres…
Je ne dirais pas tout à fait ça. Il s’agit surtout de partager un espace créatif avec des gens que j’apprécie. Comme j’ai plusieurs projets en parallèle, ce sont des dynamiques différentes à chaque fois. Producteur dans un projet rock ou dans un projet house, ça ne veut pas dire la même chose, ce n’est pas le même métier.
Y a-t-il un lien entre tous ces projets ?
Moi, évidemment. Sinon, j’aime bien développer des concepts nouveaux et explorer des esthétiques nouvelles. La musique est toujours une célébration et une résilience. Il s’agit de libérer une pression, surtout dans un environnement social, économique et politique difficile. Vivre dans un endroit dangereux, n’importe lequel, peut être une chose très excitante. Quand tu te moques de vivre ou mourir, une folie particulière s’installe. L’ennui n’existe pas dans ces cas-là. Il se passe toujours quelque chose.
Tu fais partie de la première génération postapartheid. Sens-tu une responsabilité particulière à ce niveau ?
Quand tu viens de Soweto, comme c’est mon cas, tout ce que tu fais
devient politique. Le simple choix d’un son de guitare ou de percussion peut être observé de manière politique. La forme compte autant que le fond. Que je sente une responsabilité ou pas, cette question est toujours présente. Mais ça ne me dévie pas de ce que j’ai envie de faire.
Quel lien vois-tu entre les musiciens sud-af de cette génération ?
Il y en a beaucoup. Mais disons qu’on a eu accès aux mêmes choses. Internet a tout changé. L’influence du hip-hop, par exemple, est désormais globale. Ce qu’il faut, c’est ne pas se laisser cannibaliser par cette globalisation. Je trouve cool qu’en France, les jeunes musiciens se remettent à chanter en français. Ils explorent des formes qui n’ont jamais été exprimées dans leur langue. Je suis réaliste. J’accepte le monde tel qu’il est, et mes observations suivent, pas l’inverse.
Tu n’arrêtes jamais de travailler. Tu fais quoi en ce moment, maintenant que cet album est terminé ?
Je bosse sur un nouveau documentaire autour de la vie d’Isaac Mutant (un MC, star du hip-hop sud-africain, qui rappe en afrikaans – ndlr). Et je viens de finir le tournage d’un film au Burkina Faso. C’est ma première fiction, une sorte de drame. Je bosse également sur un nouvel album avec Batuk.
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