Portée par un duo d’acteurs admirable, cette mini-série britannique nous plonge en pleine guerre froide pour éprouver la solidité d’une amitié face aux aléas des jeux d’espions.
John le Carré a beau nous avoir quittés depuis deux ans, son influence sur les fictions d’espionnage n’a jamais été aussi vive. En témoignent une lignée de créations télévisuelles qui, de The Night Manager à The Little Drummer Girl, investissent la guerre froide pour mieux sonder la psyché tourmentée des hommes et femmes de l’ombre qui en manipulaient les fils secrets. Adaptée du livre éponyme de Ben Macintyre, lui-même inspiré de faits réels, la mini-série A Spy Among Friends s’inscrit dans ce mouvement en dépliant la radiographie d’une amitié au prisme des jeux d’espions… et d’une terrible trahison.
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Membres des SIS (Secret Intelligence Service) britanniques, Kim Philby (Guy Pearce) et Nicholas Elliott (Damian Lewis) se sont rencontrés durant la première nuit du Blitz (les attaques aériennes allemandes contre le Royaume-Uni en 1940). Éclose sous le fracas des bombes, leur amitié indéfectible se nouera à leur lutte commune contre les nazis puis contre la menace communiste. Jusqu’à ce jour de 1963 où Kim commet un parjure et trahit son pays pour rallier l’URSS, puissance pour laquelle il officierait comme taupe depuis des années.
Une relation complexe entre deux espions
Juste avant son départ, Nicholas et lui s’entretiennent à Beyrouth durant plusieurs jours, nouant d’obscures tractations entre les murs d’un appartement décrépit. Construits autour de ce point aveugle dont les différentes forces en présence (MI5, KGB mais aussi CIA) n’auront de cesse de décortiquer les traces audio et photographiques dans l’espoir de déceler un pacte secret, les six épisodes de la série auscultent la relation complexe qui unit les deux espions.
Et si un indéniable suspense vient tendre la narration (depuis quand Kim avait-il changé de bord ?Nicholas était-il au courant de sa véritable allégeance ? Ont-ils conçu un plan pour doubler leurs hiérarchies respectives ?), le cœur battant du récit réside dans cette amitié au charme désuet (on pense parfois au duo Blake et Mortimer), qui se révèle à nos yeux dans un ressac mémoriel qui charrie éclats complices et affaires traumatiques, doutes réciproques et reconnaissance mutuelle.
Derrière sa facture classique et ses codes familiers, A Spy Among Friends prend à rebours le présupposé solitaire de l’espion pour éprouver une amitié qui pourrait dépasser les allégeances. En la décortiquant comme un puzzle, elle s’aventure à l’imaginer comme une construction, un jeu de rôles et de dupes parmi d’autres. Mais aussi comme un acte de foi, avec sa part d’aveuglement et d’invention, de croyance et de mystère. Et le cœur de glace des espions de palpiter d’émotions universelles.
A Spy Among Friends, d’Alexander Cary, avec Damian Lewis, Guy Pearce, Anna Maxwell Martin… Sur OCS.
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