L’infatigable formation d’Hoboken propose une divagation musicale maîtrisée et un questionnement délicat sur l’état du monde et du temps qui passe.
De Ride the Tiger (1986) en passant par l’inoubliable I Can Hear the Heart Beating as One (1997), Ira Kaplan et Georgia Hubley déroulent une discographie unique dans l’histoire du rock américain. Presque quatre décennies dédiées à une musique qui mélange écriture ciselée, rock noisy, pop, soul, country, bossa et expérimentation sonore. Et cela en gardant un équilibre dont seul Yo La Tengo a la recette.
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Le secret de leur longévité ? N’en faire toujours qu’à leur tête, et continuer d’inventer, uni·es contre l’adversité. “Trois facteurs font que nous sommes toujours là : nous avons eu de la chance, un public fidèle, et nous aimons toujours autant passer du temps ensemble à faire de la musique”, explique Ira Kaplan, tête pensante du groupe avec Georgia Hubley.
Laisser la musique venir d’elle-même
Trois ans après leur EP de reprises Sleepless Night, puis leur disque instrumental We Have Amnesia Sometimes, le trio (avec James McNew, arrivé à la basse en 1992) a décidé d’improviser, d’enregistrer, de mixer de manière spontanée, et cela sans producteur. “Ce ne fut pas une décision concertée ; nous étions heureux de composer ensemble et nous avons terminé l’album sans vraiment nous en rendre compte ! [rires]
L’improvisation a toujours été une constante dans notre musique. Georgia ou James lançait quelques notes et nous nous calions dessus, en laissant la musique venir d’elle-même. J’aurais aimé qu’il en soit de même pour les paroles : je me suis battu pour exprimer mes sentiments les plus profonds sans paraître moralisateur.” This Stupid World, clame pourtant le titre du disque.
“Ne jamais s’excuser de tenter des choses”
“Ce n’est pas que pessimiste. Il exprime simultanément plusieurs sentiments diffus que nous ressentons face à la situation du monde actuel. Vieillir, c’est perdre l’optimisme de la jeunesse, mais si les temps peuvent paraître plus durs, il s’agit aussi parfois de perceptions biaisées. Comme à New York, où les chiffres de la criminalité – pourtant stables – s’envolent pour certains, ce qui servira la réélection des républicains.” Cet album est avant tout un remède aux angoisses de l’époque. Une manière de mettre les crises et les doutes en musique pour les conjurer.
Ces neuf titres envoûtants font la part belle aux guitares saturées et maîtrisent aussi l’art du grand écart en nous offrant des douceurs pop comme Aselestine, portée par la voix cristalline de Georgia ou une touchante lettre d’excuse (Apology Letter), déclamée par Ira. Et si ce dernier n’avait qu’un regret ou une excuse à formuler dans sa carrière de musicien ?
“Ne jamais s’excuser de tenter des choses nouvelles en live, que cela vienne de nous ou des musiciens qui ont pu jouer sur scène avec nous.” This Stupid World est habité, une invitation intime à l’improvisation, dont la découverte se poursuivra sur scène, là où excelle Yo La Tengo. Arnaud Ducome
This Stupid World (Matador/Wagram). Sortie le 10 février. Concert le 27 avril à Paris (La Cigale).
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