Alors qu’il a échoué aux portes de la primaire des démocrates, Bernie Sanders enchaîne les meetings dans tous les États-Unis. Avec son nouveau mouvement « Our Revolution », il appelle à une « révolution politique ». Objectifs: transformer le Parti, et pourquoi pas, se faire une place lors des élections de mi-mandat en 2018. Même si, lui, « ne sera plus candidat à rien. »
La plupart des guichets affichent complets: Kansas, Massachusetts, Virginie… Depuis plusieurs semaines, Bernie Sanders organise des meetings devant des centaines de personnes. Pour la plupart, ce sont des des déçus d’Hillary Clinton, ou des démocrates qui avaient voté Trump. Tout en finesse, le « social-démocrate », comme il se revendique lui-même, y prône les valeurs de son mouvement « Our Revolution », créé peu après la victoire de Donald Trump : des idées progressistes, comme la justice sociale, l’accès pour tous à la santé ou la lutte contre les inégalités économiques. Il n’hésite pas à attaquer directement l’actuel président sur ses dernières mesures polémiques. Bernie Sanders est toujours en campagne. Il a même lancé une « révolution politique », comme il le dit. Si les démocrates ont échoué à la présidentielle, l’ancien candidat n’a, lui, jamais quitté le ring. Le sénateur du Vermont a un objectif : dans deux ans, ce seront les élections de mi-mandat.
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Avant les présidentielles, cap vers 2018
Le 6 novembre 2018, les 435 sièges de la Chambre des représentants seront renouvelés. Avant les élections présidentielles de 2020, c’est le prochain vote à l’échelle nationale. Et le mouvement entend bien remporter des sièges, et reprendre la majorité à la Chambre. « Je ne pense pas qu’il vise déjà les prochaines élections présidentielles. Le mouvement a un but précis, qui est de ne pas laisser retomber l’enthousiasme né autour de lui dans les primaires. Il prévoit davantage les élections de mi-mandat, pour influer sur les programmes politiques actuels », décrit Anne Deysine, spécialiste des questions politiques et juridiques aux États-Unis, et auteur de La Cour suprême des États-Unis (Dalloz – Les Sens du Droit). Une analyse confirmée par Lauric Henneton, maître de conférences à l’Université de Versailles et spécialiste de la politique américaine:
« Le mouvement met en place une stratégie qui part du bas, vers le haut : il s’intéresse d’abord à l’échelle locale, pour ensuite, à priori, s’élargir à des élections nationales comme les présidentielles ».
Bernie Sanders, lors du meeting de son mouvement Our Revolution, le 31 mars dans le Massachusetts. (Photo Scott Eisen/AFP)
Une séduction au niveau local
Début mars, Bernie Sanders se rendait dans le comté de McDowell, en Virginie-Occidentale, l’un des territoires les plus pauvres de tout le pays. Ici, Trump a remporté les deux tiers des suffrages. Ces enclaves seront déterminantes pour l’avenir du Parti démocrate, selon le sénateur. « Ce n’est pas Donald Trump qui a gagné cette élection, c’est le Parti démocrate qui a perdu », dénonçait-il lors d’un meeting du 31 mars, imputant ainsi la défaite à Hillary Clinton.
Pour reconquérir l’électorat, Our Revolution mène une tactique en deux temps : parallèlement aux réunions, les membres du groupe apportent leur soutien à des candidats pour des élections locales, comme pour des postes de gouverneurs. Sur leur site, ils affichent déjà soutenir une vingtaine de candidats officiels. « Cet ancrage local leur permet d’être déjà sur le terrain, c’est pratique pour mobiliser l’électorat au moment des élections plus nationales », indique Lauric Henneton. En juin prochain, Sanders présentera ainsi le People’s Summit, un événement qui vise à encourager les activistes à se présenter aux élections.
« Sanders suscite un raz-de-marée »
Si Bernie Sanders s’y prend en avance, c’est qu’il a conscience de la difficulté de cette course.
« Il faudrait un raz-de-marée pour que les démocrates reprennent la majorité, et Bernie Sanders est en train de le susciter. Il risque de faire bouger le Parti démocrate de l’intérieur, comme de l’extérieur », pressent Anne Deysine.
Pour Lauric Henneton, « la stratégie est encore balbutiante, mais elle peut porter ses fruits dans deux ans. C’est probable qu’ils puissent s’imposer dans de futures élections, mais rien n’est sûr depuis la victoire de Trump. »
Et l’ancien candidat, âgé de 75 ans, compte toujours gagner des points en ressortant son image de « porte-parole de la nouvelle génération d’électeurs », comme le définit le spécialiste de la politique américaine. S’il était le candidat le plus vieux en 2016, il avait obtenu 76% du vote des moins de 30 ans. « Ils sont a priori encore tous mobilisés », précise Anne Deysine.
Bernie Sanders, à la recherche d’un successeur ?
Pourtant, le sénateur du Vermont pourrait ne pas être le candidat à la présidentielle de « Our Revolution ». Dans une récente interview à CNN, Bernie Sanders disait qu’il était encore « trop tôt » pour parler de sa candidature en 2020.
Sanders on a 2020 run: « It is much too early to be talking about that » #SandersTownHall https://t.co/BBQZhXBBwv https://t.co/UUuPpTVoOG
— CNN Politics (@CNNPolitics) 10 janvier 2017
En 2020, lors des présidentielles, Sanders aura alors 79 ans. Un âge qui pourrait être « un handicap », d’après Lauric Henneton : « A priori, Bernie Sanders ne sera plus candidat à rien. Il faut voir le mouvement indépendamment de son leader, en envisageant quelqu’un d’autre pour prendre la tête de la campagne. »
Elizabeth Warren a pris la parole lors du meeting du mouvement Our Revolution, le 31 mars dans le Massachusetts. (Photo Scott Eisen/AFP)
Pour reprendre le flambeau, un nom est déjà mis en avant : celui d’Elizabeth Warren, la sénatrice démocrate du Massachusetts. Comme Bernie Sanders, elle est une fervente opposante à Donald Trump. Elle était aussi à ses côtés le 31 mars dernier, pour réaffirmer que la « révolution » n’était pas morte. « C’est la seule qui soit associée au mouvement et qui puisse éventuellement le remplacer. C’est l’incarnation la plus évidente, après Sanders », confirme Lauric Henneton. En 2015, elle avait même été plébiscitée par de nombreux électeurs de gauche pour succéder à Obama, à la place d’Hillary Clinton.
« Elle est très populaire dans la gauche urbaine, intellectuelle et universitaire. En revanche, elle est considérée comme un peu élitiste, et aura sans doute plus de mal à parler à l’électorat populaire. »
Reste à savoir si Elizabeth Warren accepterait de prendre la succession de Bernie Sanders, alors qu’elle n’a pour le moment jamais aspiré à un mandat national…
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