En marge de l’electro-rock abrasif de M83, des mélopées droguées et contemplatives.
En quelques années, M83 s’est imposé comme un projet musical français plutôt atypique mais néanmoins susceptible de rencontrer un petit succès critique et commercial. Très tôt catégorisé de façon bancale dans une sphère à mi-chemin entre l’electro et le post-rock à cause d’un mélange de sonorités électroniques et d’emprunts esthétiques puisés du côté de groupes comme My Bloody Valentine, M83 a évolué vers une forme de rock plutôt planante, mais toujours assez abrasive et cherchant la crasse plutôt que l’assainissement : le tourbillon au lieu du new-age propret, donc.
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Ce nouvel album inaugure une série de disques en marge de la discographie officielle. Celle-ci est intitulée Digital Shades : il s’agit ici du premier volume, enregistré dans le home-studio du groupe – c’est-à-dire sans doute la chambre à coucher de M83, alias Anthony Gonzales, jeune homme originaire d’Antibes, mais avec la tête fermement plantée dans les étoiles, du côté d’Alpha du Centaure… Il laisse libre cours ici à sa veine la plus atmosphérique, et opère une percée vers un rock anomique, sans liants rythmiques et plutôt contemplatif, favorisant les atmosphères longues et délétères. Il communie en cela avec quelques grands disques allemands des années 70, comme les tout premiers Ash Ra Tempel ou Tangerine Dream, qui mettaient en jeu de longs morceaux éthérés, dans lesquels il fallait apprendre à se glisser doucement… Il rend aussi un hommage explicite aux mirifiques disques ambient de Brian Eno.
Digital Shades joue, comme ses prédécesseurs, sur l’idée que la musique peut être autre chose qu’une suite de chansons et de vignettes changeantes, toujours fondées sur des idées de puissance dynamique, et qu’elle peut être au contraire architecturale et paysagiste, et intégrer des éléments sonores issus du quotidien. Tout cela, d’autres groupes le tentent de plus en plus (la scène freak drone américaine est très créative avec des groupes comme Double Leopards, GHQ, Zaïmph, etc.). Mais ce qui est touchant ici, c’est que M83 le fait avec une vraie naïveté et une tendresse comme amoureuse pour le genre qui l’intéresse.
Son disque, avec ses sonorités primales, ses nappes d’orgue, ses voix noyées au creux de réverbérations océaniques, séduit parce qu’il est tout à la fois habité de nostalgie et de futurisme, comme si, pour éviter le présent, il lorgnait vers l’arrière et l’avenir dans un même rapide mouvement d’yeux. Faisant cela, M83 tisse des mouvements tendres et délicats, qui évoquent en creux un million d’images subliminales. Joli coup et joli caisson d’apaisement.
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