Un petit génie de la production passe à l’écriture : onirique ta mère.
De Van Dyke Parks à Timbaland, on sait à quel point « l’album de producteur » peut être un sacré piège, dans lequel foncent tête baissée la vanité, la démesure, la frustration et l’esbroufe. Le passage de l’ombre à la lumière en a ainsi laissé pas mal hébétés, humiliés sur le carreau, oubliant que leur talent, voire leur génie, ne se cristallisait qu’autour des chansons des autres. Le son, sans les chansons, restant un piètre cache-misère, les producteurs ne sont pas fatalement de grands compositeurs : Nigel Godrich l’a bien assimilé, qui garde humblement dans sa besace, et pour ses hobbies, ses propres titres – tout le monde n’est pas Pharrell Williams ou Phil Spector.
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Dans l’ombre accablante de personnalités aussi affirmées que Björk, Sigur Rós, Múm, CocoRosie ou Will Oldham, Valgeir Sigurdsson aurait ainsi pu se contenter pour toujours de tisser à la main de mystérieux arrangements de cordes, des textures mutantes et des lignes fuyantes. Mais visiblement, ces brillants exercices d’architecture et design soniques restaient trop circonscrits aux chansons pour un esprit aussi vagabond : c’est donc, à la manière de Brian Eno ou David Kosten de Faultline, qu’il compose ici en apesanteur, en toute abstraction, des pop-songs immatérielles et brumeuses, parfois visitées d’une voix voluptueuse (on pense alors au Blue Nile), souvent instrumentales et pourtant éloquentes.
Comme chez Boards Of Canada, on sent à quel point cette simplicité d’apparence, cette douceur innocente se sont gagnées au prix d’un prodigieux et savant processus d’élimination : le moindre détail, même en arrière-plan lointain et flou, ne sert ici jamais à épater, mais à dérégler les sens, à lacérer le papier peint. Ceux qui prendraient cette musique atmosphérique pour un simple parfum d’ambiance risquent fort de se retrouver avec un geyser ou une crevasse dans le salon.
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