En dépit de la présence magnétique de Steve Carell, cette série sur Disney + s’enlise dans des poncifs psychanalytiques.
Le croisement improbable entre En thérapie et Dahmer : c’est ainsi qu’on est tenté de présenter The Patient, dans laquelle le patient éponyme d’un psychologue s’avère être un tueur en série cherchant à refréner ses pulsions criminelles. Alors, pour s’attacher l’exclusivité de ses services, et pouvoir lui révéler sa véritable nature, Sam Fortner enlève son thérapeute et l’enchaîne au pied d’un lit, lui lançant un ultimatum pour le “guérir” de ses pulsions, sans quoi il les soulagerait sur une nouvelle victime.
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Le psy, c’est Steve Carell, qui prouve, encore une fois, qu’il est, plus qu’un génie de la comédie s’essayant au contre-emploi, un grand acteur dramatique. Le tueur, c’est Domhnall Gleeson, lui aussi à contre-emploi puisque habitué aux rôles de good guys, moins convaincant en psychopathe à la monstruosité rentrée, et qui peine à instiller le sentiment de malaise et d’effroi qu’exhalait, par exemple, Evan Peters en Jeffrey Dahmer.
Un face-à-face crispant qui dure 10 épisodes
Si les confrontations entre psy et patient sont monnaie courante dans les séries, et un ressort narratif largement éprouvé – de Homecoming à En thérapie, sans oublier Les Soprano et ses mémorables séances sur le divan entre Tony Soprano et le docteur Melfi – celle de The Patient prend une dimension nécessairement programmatique, et se double d’un high concept comme les séries contemporaines en raffolent : le face-à-face crispant entre un psy pris en otage et son patient tueur en série, étiré sur 10 épisodes de 25 minutes. Allongez-vous ici.
Alors, pour transmuter une séance de psychanalyse étalée sur quatre heures, de surcroît dans un huis clos, en une confrontation sous haute tension, la série incorpore progressivement des éléments susceptibles d’envenimer un peu plus une situation déjà tendue : la mère du tueur, qu’on découvre complice du rapt, fait son apparition, tandis que Sam enlève une nouvelle victime, qu’il menacera d’exécuter froidement si sa thérapie imposée ne porte pas ses fruits.
Des poncifs psychanalytiques
C’est là que se situe la faiblesse d’une série par ailleurs pas dénuée de qualités : plutôt que d’investir pleinement sa fibre conceptuelle, et de faire du face-à-face qui l’occupe une étude inquiète sur la monstruosité et ses tenants psychologiques, The Patient s’attache davantage à son intrigue vaguement policière qui en convoque d’autres ; et disserter sur la nature proprement insondable d’un mal qui échappe même à son bourreau l’intéresse finalement moins que de dépêtrer son psy captif d’une situation limite. Le discours psychanalytique se réduit ainsi à quelques éternels poncifs (un père violent, une mère démissionnaire) et Domhnall Gleeson ne parvient jamais véritablement à nous faire croire en son personnage, jeune homme condamné à la violence par d’obscures forces qui demeureront impénétrables.
Créée par Joel Fields et Joe Weisberg (showrunners de la géniale The Americans), The Patient possède d’indéniables qualités, comme la partition de Steve Carell, parfait en psy endeuillé par la mort de sa femme, accablé par une histoire familiale compliquée, qu’on découvre par petites touches dans des flashbacks plutôt bien amenés. Hélas, la série échoue à mener à bien l’intention qui semblait pourtant l’animer : la dissection méthodique (par la psychothérapie) d’un mal abyssal, qui fascine autant par sa monstruosité que par son opacité. N’est pas Mindhunter qui veut.
The Patient, sur Disney+, disponible.
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