Par une installation immersive d’une théâtralité baroque, l’artiste Agnes Scherer plonge avec une érudition historique et ultra pop dans les rouages normatifs des cérémonies de mariage.
Au centre de la galerie, une installation centrale prend l’espace. Une cérémonie même, opulente, extravagante, sans retenue. Rien ne manque au décorum, car c’est d’un mariage qu’il s’agit, reproduit à taille humaine par Agnes Scherer.
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Une farandole de bambins d’honneur, ordonnés par genre, fillettes en rose d’un côté, garçonnets en bleu de l’autre, mènent le couple en habits d’apparat. En plâtre, acrylique peint, papier et gaze, la figuration hiératique, les visages grisâtres introduisent déjà le malaise.
Le mariage, petite histoire d’une fabrique normative
Ce mariage-là est décliné dans le second espace avec d’autres saynètes, tableaux et second ensemble sculpté. Le moment de la fête, celui des présents. Déjà, la mécanique est grippée de malaise, quand bien même elle ne comporte, en soi, rien d’autre que l’ordinaire le plus plat du rituel marital codifié et sa traduction ultra contemporaine, tout entière orientée vers la démonstration du capital social.
Et pourtant, ce qui est au cœur de la nouvelle exposition de l’artiste, c’est précisément cela : le normal, ouvrant comme une poupée gigogne sur la norme. L’artiste allemande, née en 1985 en Allemagne, ancre sa pratique dans un ensemble de formes érudites, plongeant dans une histoire de l’art éclectique et un sens du rituel scénique lorgnant vers l’opéra baroque.
À travers les grisailles du Moyen Âge, la littérature victorienne ou la pop culture des années 1990, elle éclaire les rituels séculiers des subjectivités computationnelles actuelles, pour mieux les réinscrire dans des dynamiques économiques et politiques plus larges qui modèlent les représentations de genre et perpétuent les schémas d’identification.
Derrière les masques, le classisme du bon goût
Si tout est figé, trop figé pour être vrai, le monstrueux, également, ressurgit aux angles morts de la vision, à l’instar des dents de vampire de l’homme répandant déjà le sang ou, de manière moins lisible, du tatouage tribal arachnéen démesuré courant le long de l’épine dorsale de la mariée.
Ce dernier indice ouvre déjà sur une autre clé : le caractère tout aussi normatif, et surtout classiste, du jugement de (bon) goût – la première ou la dernière frontière héritée à dépasser, du kitsch de Greenberg au camp de Sontag, dans le cadre d’un contexte de contemplation dit de haute culture.
Agnes Scherer. A thousand times yes [mille fois oui], jusqu’au 17 décembre à la galerie sans titre à Paris.
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