Le lancement en France du service de streaming Paramount+, le 1er décembre dernier, s’assortit de la sortie de “Tulsa King”, comédie mafieuse portée par le proverbial Sylvester Stallone. Alléchante sur le papier, la série vaut-elle le détour ?
L’arrivée en France de Paramount+ sur le marché toujours plus concurrentiel (et pas loin de la saturation) des plateformes de streaming devait nécessairement s’accompagner d’une série de prestige, susceptible d’alpaguer de potentiel·les abonné·es. C’est chose faite, avec Tulsa King, dramédie mafieuse mettant en vedette le légendaire (et désormais rare) Sylvester Stallone. Mais prestige n’est pas obligatoirement synonyme de qualité, et cette rampe de lancement pour le clinquant service de VoD de Paramount nous apparaît paradoxalement légèrement surannée.
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On y suit Sly, dans un rôle taillé sur mesure : celui de Dwight Manfredi, ex-mafieux pas vraiment repenti, fraîchement sorti de prison après avoir purgé une peine de 25 ans. S’il s’attendait à un retour au bercail triomphal, Dwight déchante vite : mystérieusement désavoué par son ancien boss, baron de la pègre qui ne s’émeut pas du quart de siècle qu’il a passé derrière les barreaux sans moufter, le voilà délocalisé à Tulsa, Oklahoma, à quelques années-lumière de son New York natal. Vieux briscard du crime parmi les péquenauds du Midwest, Dwight/Sly devra se démener pour poser les fondations d’un nouvel empire. Une collaboration avec un vendeur de weed local (Martin Starr), peu rompu aux méthodes de la mafia, et une romance inattendue avec une agente de l’ATF (bureau fédéral de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs) ne risquent pas de lui simplifier la tâche.
Une série déphasée
À l’image de son héros, parfaitement inadapté au monde actuel après avoir passé 25 ans au trou, la série semble déphasée avec son époque, et lorgne coupablement vers un âge d’or de la télévision américaine qu’elle tente d’approcher sans jamais parvenir à le frôler. Branchée sur un faisceau de références dont elle ne fait pas mystère (des Sopranos à The Shield) qui, au tournant des années 2000 hissèrent la figure de l’anti-héros (mafieux attendrissants ou flics éruptifs) au panthéon de la série américaine, Tulsa King tente d’émuler le savoir-faire de ses illustres aînées avec 20 ans de retard, et sans leur génie.
Ok mafieux boomer
La difficile acclimatation à son époque d’un taulard chevronné – qui peste contre Starbucks, Uber, et plus généralement ce monde moderne devenu fou (ok boomer) – livre en souterrain la difficulté qu’a la série à concilier son intention (une dramédie mafieuse qui ausculterait avec drôlerie son époque) et son procédé (une resucée peu convaincante des grandes séries HBO – pour le dire vite – de la fin des années 1990 et du début des années 2000). Pire, elle occasionne quelques saillies dispensables, comme lorsque Dwight invective Tyson, jeune conducteur de taxi qu’il a promu en chauffeur personnel, sur la fluidité de genre, et les pronoms dégenrés : “What the fuck is wrong with the world ?”. Si elle peut se défendre d’être réac’ en invoquant une ironie et un second degré bien commodes, Tulsa King aura plus de mal à se défendre d’être ringarde.
Pilotée par Taylor Sheridan (showrunner de Yellowstone), qui s’était pourtant attaché les services de deux tauliers des Sopranos (Terence Winter à la production et Allen Coulter à la réalisation), Tulsa King hésite entre comédie bouffonne et fiction mafieuse, mais peine à stimuler notre intérêt. Reste la partition de Stallone, à l’aise en vieux gangster dépassé, boomer indocile qui s’émeut de la disparition d’un monde qui n’a jamais vraiment existé : celui d’un code d’honneur du crime fantasmé, et de la supposée respectabilité des gangsters. Si on attendra la fin de la saison pour émettre un avis définitif, Tulsa King nous semble pour l’heure à l’image de son héros, profondément déphasée, et notoirement has-been.
Tulsa King, avec Sylvester Stallone, disponible sur Paramount+.
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