Avec Another distinguée, La Ribot reprend la main à Beaubourg.
Sur le plateau du Prato, à Lille, réquisitionné l’été dernier par le festival Latitudes contemporaines, une sculpture narguait le visiteur. Durant le temps de Another distinguée, les trois performeurs n’auront de cesse de lui tourner autour – et nous avec – sans jamais en dévoiler la nature. Le mystère est tout entier dans cette pénombre qui enveloppe les corps dans une première séquence voyant La Ribot découper la peau de tissus de Juan Loriente.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop","device":"desktop"}
Lointain hommage au Cut Piece de Yoko Ono, ce rituel ouvre le bal d’une série d’actions. Reprenant le fil de ces Pièces distinguées qui la révélèrent au public dans les années 1990, La Ribot tisse des liens invisibles entre ces deux collections de performances.
Il y a dans Another distinguée des scènes troublantes, comme ces gisants – Loriente et Thami Manekehla –, un simple drap blanc sur les fesses et une perruque scindée en deux d’un coup de lame par Maria La Ribot. Ou cette action-painting détourné quoique très plastique qui voit les trois interprètes entièrement badigeonnés de rouge sur un tapis de velours. Le sommet de cette collection est sans doute atteint dans ces duos lascifs et mécaniques, La Ribot se frottant sans les toucher aux membres de ses partenaires. Le couple peut devenir trouple à l’occasion.
Un degré de sensualité rare
La Ribot, à sa façon, jette une lumière froide sur les nouveaux enjeux de la sexualité. Sur des nappes sonores électroniques comme autant de vagues, l’alchimie des êtres atteint un degré de sensualité rare. Il y a un peu plus de vingt ans, La Ribot donnait corps à ses premières Pièces distinguées achetées par des collectionneurs, où elle enfilait toutes les panoplies de l’artiste protéiforme. Avant de passer à autre chose.
En renouant aujourd’hui avec ce procédé éclaté, elle met un point final (ou pas ?) à ces expérimentations. Certains regretteront sans doute la force initiale de ce projet au long cours. Pourtant, La Ribot ose se remettre en question. Dans l’espace d’une boîte noire – l’anti-white cube –, elle retrouve son instinct originel et rappelle au passage l’interprète vertigineuse qu’elle ne cesse d’être. Soit une arpenteuse de territoires en mouvement.
Another distinguée chorégraphie La Ribot, du 5 au 9 avril, Centre Pompidou, Paris IVe
{"type":"Banniere-Basse","device":"desktop"}