En cette année (presque) redevenue normale pour l’industrie musicale, l’indie-rock a repris des couleurs, l’hyperpop squatté les charts et le métissage fonctionné à plein. Au programme de cette deuxième partie, du n°75 au n°51 de notre top : un voyage entre les Rocheuses, la campagne anglaise, l’avant-garde catalane et le Bosphore…
Top 100, mode d’emploi
En cliquant sur chaque titre de nos albums favoris, une nouvelle case s’ouvrira. Rencontres, interviews, critiques, vidéos et portraits se révèleront alors dans ce calendrier de l’avent numérique riche en musiques.
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Si vous avez loupé les épisodes précédents…
Les 100 meilleurs albums de 2022, n°100 à 76
75 Big Thief Dragon New Warm Mountain I Believe in You
Le quatuor de Brooklyn a baladé son folk atypique de l’Arizona aux Rocheuses via la Californie pour en tirer vingt chansons aux mélodies dénudées, avec une production à la limite de l’ambient. C’est du folk sans esbroufe, de la mélancolie sans tristesse, des moments de vie sans remords que met en sons le groupe d’Adrianne Lenker, progéniture fantasmée de PJ Harvey et de Yo La Tengo.
74 Moderat More D4ta
Né de l’union entre Gernot Bronsert et Sebastian Szary (alias Modeselektor) et Sascha Ring (alias Apparat), ce supergroupe de l’electro allemande fait un comeback pétillant, proposant de la transe à la fois mélodique et obsédante. Sur ce quatrième album, Moderat s’éloigne discrètement du dubstep pour des beats electro plus énervés, comme un Radiohead qui aurait gobé plus que de raison au Berghain.
73 Perez Rex
Après Sados, un EP paru en janvier explorant la figure du méchant, Perez continue de brouiller les pistes avec Rex. Un quatrième LP à part dans sa discographie, entre performance contemporaine et bande-son azimutée, inspiré de films noirs comme La Nuit du chasseur ou Joker, et pensé comme l’illustration sonore de l’exposition Arder Havir, où la musique de Perez ricoche entre installations vidéo et sculptures déjantées.
72 JB Dunckel Carbon
Le cofondateur du groupe Air embarque ses synthés fétiches, un glockenspiel et des marimbas pour un voyage vers l’inconnu. Ce disque habité trace son itinéraire à travers l’éther musical, glissant sur un minimalisme electro ponctué de chants murmurés, avant de rebondir sur les rares beats de titane présents sur sa trajectoire. Passés au carbone 14, ces neuf morceaux se révèlent intemporels.
71 Prince Waly Moussa
Après trois années de silence discographique – une éternité dans le rap français – durant lesquelles une bataille contre un cancer l’aura tristement écarté de la musique, le rappeur de Montreuil prend sa revanche sur l’intimiste Moussa (le vrai prénom de ce trentenaire). Un premier album solo cathartique, volcanique et à l’ambiance cinématographique, auquel ont collaboré Enchantée Julia et Jazzy Bazz, entre autres.
70 Lomepal Mauvais Ordre
Sans tourner le dos à ses premières amours, le rappeur regarde la chanson française droit dans les yeux avec ce troisième album qui, malgré d’évidents tourments (notoriété involontaire, envie de normalité, sentiments contradictoires), parvient à dénicher des refrains irrésistibles et à faire éclore des morceaux plus ambitieux, proches du storytelling. Un disque lumineux en façade, torturé à l’intérieur.
69 Caroline Caroline
Basé à Londres, cet octuor ouvre de nouveaux horizons sur son premier album, vertigineux d’invention et de poésie, avec un son disloqué qui retient de Mogwai ou de Godspeed les moments d’accalmie. Accalmie qui n’a rien oublié de l’orage et en remet en jeu toutes les influences tapies – le folk et le folklore, Neil Young et La Monte Young – jusqu’à l’inouï.
68 Metronomy Small World
Entre ballades méditatives et ritournelles solaires, la troupe de Joseph Mount renoue avec la simplicité d’antan sur neuf morceaux composés pendant la pandémie dans la campagne anglaise. Euphorisant, bon enfant et volontiers primesautier, Small World est l’album d’un homme amoureux et père de famille rasséréné, qui a soufflé ses quarante bougies en 2022.
67 Marina Herlop Pripyat
Venue du classique, cette Catalane intrigue et déstabilise en proposant une musique d’avant-garde aussi complexe qu’hyper-taquine. Elle produit une musique inédite, chant d’alien mystique portant son sens propre et des suspensions atmosphériques avec, dessiné au piano, un paysage fiévreusement glacé. Son troisième album est aussi joueur qu’angoissant, tendu que frétillant.
66 Daniel Rossen You Belong There
Roulis rythmiques théâtraux et claviers vaporeux, acoustique si boisée qu’on en sentirait l’odeur, vents savamment distillés, harmonies maîtrisées… Avec le multi-instrumentiste Daniel Rossen (membre de Grizzly Bear et de Department of Eagles), le folk est à la fois grandiose et introspectif. En solitaire, le musicien étoffe sa musique de cordes délicates aux multiples résonances.
65 Eggs A Glitter Year
Sur un premier album jubilatoire, les Parisiens réaniment brillamment l’indie pop à guitare et son romantisme cabossé (dans la lignée de The Clean, The Verlaines, ou Guided by Voices), tout en gardant un sens aigu de la mélodie et une identité forte qui réussit le mariage entre jangle pop, garage et noise. Naissance d’un grand groupe pop hexagonal.
64 Jack White Fear of the Dawn
Juste avant un album orienté folk sorti cet été, l’ex-White Stripes a dynamité le printemps avec ce premier volet survolté et mutant, qui met clairement à l’honneur la guitare électrique. Installé à Nashville, l’artiste le plus doué de sa génération a l’audace d’aller piocher dans des styles où on ne l’attend pas (le grandiose duo avec Q-Tip, Hi-De-Ho, entre flamenco, rock et hip-hop), sans jamais perdre son intégrité et sans se fixer aucune limite dans ses expérimentations. Irrésistible.
63 Lambchop The Bible
Poursuivant sa route expérimentale, Kurt Wagner atteint de nouveaux sommets sur ce vertigineux labyrinthe. S’il se réinvente de fond en comble, tirant le meilleur parti d’une formation entièrement renouvelée, le son de Lambchop convoque ici toutes ses facettes, s’en fabriquant d’inédites au passage. L’étoffe de la production permet de dévoiler à chaque écoute un nouvel angle, une autre façon de diffracter la lumière soul qui nimbe la noirceur folk gothique, les luminescences ambient qui moirent la country orchestrale.
62 Bertrand Belin Tambour Vision
Loin des marches militaires, le dandy frenchy pop décolle vers des cieux synthétiques sur son septième album studio – doux vertige et grand disque où les claviers mènent la danse et où le phrasé cousine avec Bashung. On se gardera d’aller trop vite en héritage : Belin hérite de tout mais aussi de “que dalle”, nous dit son élégant single aux paroles supérieures. Constellées d’onirisme, telles sont les sidérantes visions de ce tambour battant.
61 Nina Nastasia Riderless Horse
Rescapée d’une passion destructrice, la chanteuse californienne livre un disque d’une beauté triste mais malgré tout rempli d’espoir. Accompagnée de Steve Albini et Greg Norman dans un cadre bucolique et apaisant, elle a trouvé la force de sortir de son silence pour accoucher d’un album brut guitare-voix. L’artiste s’y livre à cœur ouvert, dans la douleur, mais il ne faut pas occulter le plus important : “I want to live/I am ready to live” sont les derniers mots de ce disque à écouter religieusement.
60 Father John Misty Chloë and the Next 20th Century
Dans un écrin mi-Broadway années 1920, mi-old Hollywood, Joshua Tillman étoffe son écriture et signe son album le plus orchestré à ce jour, cherchant à mettre en lumière la persistance du cauchemar dans le rêve américain. Sans pathos et sans dénigrer le contemporain versus un passé supposément moins superficiel, le songwriter de Los Angeles n’a pas son pareil pour croquer la solitude de ceux et celles qui se brûlent les ailes dans le mirage de la célébrité et de leurs ambitions déchues.
59 Kurt Vile (Watch My Moves)
Le hitmaker autoproclamé de Philadelphie se fait voyageur immobile sur un album splendide, enregistré à domicile pour cause de pandémie globalisée. En retrouvant, comme à ses débuts, le chemin de son home studio, le songwriter soigne ses morceaux-fleuves et se reconnecte à ses racines musicales. Il en ressort un disque contemplatif aux allures de voyage mental. Et l’immobilité devient mouvement.
58 Judah Warsky & Gilbert Cohen L’Aurore
Reclus ensemble pendant huit jours en studio, deux lumineux explorateurs de l’espace sonore ont ciselé un bijou d’électronique oblique. Un binôme prolifique : chaque jour, un morceau a été conçu, Gilbert Cohen élaborant des parties rythmiques, Judah Warsky imaginant des paroles, chantant et jouant d’instruments divers. À la fois extrêmement spontané et minutieusement peaufiné, cet album gravite pour l’essentiel dans la sphère d’une électronique alanguie et décalée.
57 Aldous Harding Warm Chris
Sur son quatrième album, la Néo-Zélandaise s’échappe un peu de son cortex afin d’investir pleinement son corps, sans oublier de raconter des histoires, comme sur She’ll Be Coming Round the Mountain, inscrite dans la tradition Americana. On s’amuse avec la country sur Tick Tock, on tâte de la soul sur le sensuel Fever, on convoque le folk du quartier Laurel Canyon avec Warm Chris, et on assume ses ambitions pop avec Lawn.
56 Daniel Avery Ultra Truth
L’Anglais met la barre toujours plus haut, s’aventurant dans les recoins les plus obscurs de la techno. Ce n’est pas Ultra Truth, son troisième LP solo en trois ans, qui prouvera le contraire. Conçu avec Ghost Culture et Manni Dee à la production, invitant Haai, Sherelle, Marie Davidson ou Kelly Lee Owens, ce disque est une immersion au cœur même de la rave et prouve que Daniel Avery est l’un des meilleurs producteurs de musique électronique de ces dix dernières années.
55 Spiritualized Everything Was Beautiful
Quelque chose dans la voix de Jason Pierce continue de donner la sensation d’un état décati, comme sur le point de s’effondrer, mais qui se maintient là, aux limites. Au bout de toutes ces années, la musique de cet Anglais si singulier fascine toujours. Les habitué·es s’y reconnaîtront : les morceaux débutent avec douceur, montent progressivement, explosent, reviennent à quelque chose proche de la narcolepsie, mêlant puissance et mélancolie, tension romantique et élégies maladives. Un artisanat, céleste.
54 Nilüfer Yanya Painless
La jeune chanteuse et guitariste explore ce que la scène britannique produit de plus excitant depuis de longues décennies, témoignant elle-même de moult origines, entre Bosphore et Caraïbes. On entend ici des échos trip hop (The Dealer, Trouble), folk (Company), r’n’b (Midnight Sun, Anotherlife) ou new wave (Stabilise), portés par les rythmiques et la réalisation triplée de Wilma Archer (ex-Slime), de la musicienne Jazzi Bobbi et d’Andrew Sarlo (producteur de Big Thief).
53 Steve Lacy Gemini Rights
Dix pistes, trente-cinq minutes et autant de temps pour saisir tout le chemin parcouru par le multi-instrumentiste/producteur de Compton, de ses premières demos façonnées sur smartphone à ce deuxième LP enregistré à Los Angeles. Entre la bossa nova de Mercury, les guitares signatures présentes sur Bad Habit et une succession de beats et de synthés finement produits, Gemini Rights se présente comme une nouvelle étape majeure dans la carrière précoce de Steve Lacy.
52 Pusha T It’s Almost Dry
Après l’implacable Daytona, le membre de Clipse remet le couvert avec deux artificiers de choix : Kanye West (déjà entièrement derrière Daytona) et Pharrell Williams. Profitant de l’alchimie et de la maestria de ses deux comparses, la Némésis de Drake a tout loisir de déployer son coke rap, cocktail de flows comminatoires, sur des productions teintées de samples soul immaculés et de synthés menaçants. Un nouveau tour de force discographique pour le rappeur préféré de vos rappeurs préférés.
51 Peter Doherty & Frédéric Lo The Fantasy Life of Poetry and Crime
Le plus francophile des rockeurs anglais s’est allié au plus anglophile des compositeurs français. Le premier s’est chargé des paroles et du chant, tandis que le second a composé la musique et l’a jouée presque en intégralité. En autarcie dans un manoir normand, les deux artistes se sont surpassés sur ces pop songs mélancoliques et majestueuses, ourlées de cordes fiévreuses et de quelques cuivres discrets. On se laisse emporter par les deux orfèvres et leurs trésors de nostalgie et de tendresse.
À suivre !
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