Relatant la traque d’un serial-killer dans le New York gay des années 1980, la saison 11 d’“American Horror Story” métaphorise la tragédie du sida avec les armes un peu émoussées du thriller policier, mais brille par sa façon d’investir une communauté meurtrie.
Cela fait plus d’une décennie que les visions cauchemardesques d’American Horror Story hantent nos écrans à intervalles réguliers. Revisitant les sous-genres de l’horreur par le prisme camp et outrancier cher à ses auteurs, l’anthologie créée par Ryan Murphy et Brad Falchuk n’a eu de cesse de travailler les vices et impensés de la société américaine, pour en investir les zones d’ombre. Jadis soleil noir du système Murphy, dont chaque autre création apparaissait comme un satellite, elle a progressivement perdu de son lustre pour occuper la place de bac à sable récréatif – un peu friable, mais propice à l’expérimentation.
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Contrairement aux saisons précédentes, cette onzième volée d’épisodes, sous-titrée New York City, a été dévoilée sans aucune promotion préalable. Des manières bien mystérieuses pour un récit qui s’ouvre sur des prémices somme toute classiques. En 1981, l’inspecteur de police Patrick Read et son petit ami Gino Barelli, journaliste local pour le New York Native, enquêtent sur une série de meurtres qui frappent la communauté homosexuelle de la ville. Secoué par la disparition de son colocataire, le jeune Adam se rapproche de Theo Grave, un photographe à succès qui aurait shooté certains suspects. Au même moment, sur l’île de Fire Island, le docteur Hannah Wells voit ses patients contaminés par un virus d’origine animale.
Un écosystème émouvant
Serial-killer, thriller policier et investigation journalistique sont au programme d’une intrigue qui séduit moins par ses rebondissements que par le territoire dans lequel elle s’inscrit : celui de la communauté homosexuelle du New York du tournant des années 1980, dont la sociabilité s’articule autour de lieux de drague identifiés.
Des bosquets de Central Park aux saunas gays en passant par les leather bars tout en harnais et cagoules de cuir, ces marges codifiées permettent à la saison de déployer une esthétique queer et SM percutante mais aussi de sonder, avec une acuité quasi documentaire, un écosystème émouvant où les jeunes premiers à l’appétit dévorant croisent les âmes esseulées désespérément dans le placard.
Coups de couteaux et blessures au cœur
On pense évidemment au Cruising de William Friedkin, dans lequel un policier hétérosexuel incarné par Al Pacino pourchassait un tueur en série dans le milieu gay et sadomasochiste new-yorkais, à ceci près que tous les personnages appartiennent à la communauté blessée, permettant de détourner la fascination compatissante en colère empathique. Et si les épisodes jouent hardiment des échos entre la drague de partenaires, la chasse du tueur et sa traque, ce n’est pas tant pour lier leurs modes opératoires que pour en opposer les élans vitalistes et morbides.
Tournée après la pandémie de Covid-19 mais située en 1981, la grande affaire de cette saison reste la contamination et, dans une métaphore à peine dissimulée, l’épidémie de sida, dont les prémices sont diffractées en figurations buissonnantes. Pratiques à risque et autodéfense communautaire se nouent à un tropisme complotiste qui convoque notre époque en miroir, quand la mise en lumière de la frilosité coupable des autorités sanitaires est mise en regard avec l’inaction d’une police rongée par l’homophobie.
On s’y perd un peu, d’autant que la métaphore du tueur en série ne nécessitait pas forcément d’être doublée d’un arc épidémiologique pour être impactante. Mais on finit par s’y retrouver, quelque part entre Halston et Dahmer, les coups de couteaux et les blessures au cœur, chevillé à des personnages imparfaits dont l’aura palpite jusqu’aux abysses de la tragédie collective.
American Horror Story saison 11 : New York City, de Ryan Murphy et Brad Falchuk, avec Russell Tovey, Joe Mantello, Zachary Quinto… Disponible sur MyCanal.
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