Que peut-on montrer de la guerre? Doit-on privilégier la dignité ou l’information?
De même que la notion de guerre juste oppose les philosophes entre eux, la juste image de guerre reste une énigme esthétique, sur laquelle personne ne s’entend, faute de pouvoir en définir les contours évidents. La récente condamnation par le CSA de France 2, dont le magazine Envoyé spécial avait osé révéler le 7 février des images de corps meurtris au Mali, a réactivé cette vieille querelle à l’occasion de la guerre du Golfe.
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Quels sont les critères – du beau, de l’information, du spectacle, du tragique… – qui permettent de légitimer la production d’une image de guerre ? Quel ajustement le reporter est-il tenu de trouver entre un nécessaire souci d’information et une prudente réserve à l’égard de l’exposition de la violence, de ce que le CSA appelle « le respect du principe de dignité humaine » ? Comme si la guerre et la dignité humaine allaient de pair, comme s’il était possible de décrire une guerre en se voilant la face, comme s’il était normal de filmer des combats sans en entrevoir les fruits pourris !
L’hypocrisie du CSA rappelle en tout cas que les images de guerre et la guerre des images forment toujours un couple infernal. Alors que les démocraties occidentales semblent soucieuses d’effacer les stigmates de leurs guerres sur les corps, à l’heure de la censure des images des soulèvements opérée par des dictatures comme la Syrie, la règle reste la même sous tous les cieux : la guerre sévit dans un hors-champ contrôlé par ceux qui s’en veulent les maîtres, dictatures comme démocraties. C’est aussi pour cela qu’une image juste de guerre s’arrime forcément à l’injuste violence qu’elle saisit.
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