Un film superbe sur la condition féminine, le dernier film de Jafar Panahi et une histoire de famille signée Roschdy Zem et Meriem Serbah : découvrez sans attendre les films de la semaine.
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Saint Omer d’Alice Diop
C’est une œuvre qui sait accueillir le silence comme rarement et filme avec une très grande intensité les femmes de ce tribunal qui s’écoutent et se taisent. C’est bien à une écoute et à une attention totales que nous invite Saint Omer, comme une expérience de cinéma partageable. Le film l’est entièrement, tant il nous incite à faire preuve de clairvoyance pour parvenir à recomposer dans nos esprits une troisième image, l’image manquante, celle qui jaillit de la jointure entre la parole déliée de cette femme infanticide et l’incroyable placidité de son visage habité, objet de fascination d’un film qui s’autorise à s’approcher progressivement de lui, pour finir par l’étreindre dans un gros plan.
Lire la critique de Marilou Duponchel
Aucun ours de Jafar Panahi
En entrelaçant différente lignes narratives, Aucun ours augmente la complexité de l’œuvre de Panahi, dont l’extrême porosité entre fiction et de réel n’a jamais été aussi exacerbée. Une forme toujours aussi divertissante mais où la colère a pris le pas sur l’humour malicieux habituel. Le niveau d’urgence, de douleur et de frustration crie dans chaque plan du film et plus particulièrement dans un fragment saisissant où Panahi ne parvient pas à enjamber la ligne invisible pour quitter son pays. Mais, plutôt que de se complaire dans un rôle victimaire, Panahi choisit d’interroger, avec rigueur et profondeur, la responsabilité du filmeur et des images qu’il fait naître.
Lire la critique de Ludovic Béot
Les Miens de Roschdy Zem
Les Miens serait-il une méditation sur Docteur Jekyll et M. Hyde ? Pas du tout. Le changement de caractère de Moussa n’est qu’un prétexte pour créer des conflits. Le scénario du sixième film réalisé par Roschdy Zem a été coécrit avec Maïwenn (qui joue aussi un rôle assez valorisant dans le film), et l’on y reconnaît son goût pour les scènes de groupe et les règlements de comptes familiaux, sans qu’on sache bien à quoi ils servent, sinon à faire avancer un récit un peu nébuleux par à-coups assez forcés.
Lire la critique de Jean-Baptiste Morain
Bones and all Bruno de Luca Guadagnino
L’argument anthropophage de Bones and all avait de quoi faire de ce septième film de Luca Guadagnino, une œuvre matricielle pour le cinéaste transalpin. Car, plus que tout autre, il a le goût de la chair de ses pairs. Remake (Suspiria, A Bigger Splash) ou scénario non-tourné (Call me by your name), ces trois derniers films sont des entreprises cannibalistes sous bien des aspects. On retrouve donc dans Bones and all l’idée selon laquelle faire un film, c’est d’abord se nourrir d’autres films.
Lire la critique de Bruno Deruisseau
Le Menu de Mark Mylod
Donnant l’impression d’avancer avec, pour seul moteur, ce plaisir démiurgique de donner vie ou mort à ces pantins, Le Menu livre un petit théâtre de la cruauté baignant dans un sadisme exalté. À sa baguette, un chef d’orchestre diabolique (un illustre chef interprété par Ralph Fiennes) venu se venger de la bassesse et de la médiocrité d’un panel de convives choisi·es minutieusement. Passé leur caractérisation unidimensionnelle en forme de caricature creuse, ces personnages ne recevront aucun développement par la suite, simplement réduit·es à des comportements toxiques que le film condamne mais jamais n’explore.
Lire la critique de Ludovic Béot
Mauvaises filles d’Émérance Dubas
Comment filme-t-on l’horreur ? Mauvaises filles d’Émérance Dubas choisit le minimalisme éclairant d’un dispositif réduit. Une caméra flottante et omnisciente déambule dans une belle bâtisse déserte, effritée par le temps, poussière, gravas et papiers peints qui se décollent des murs. Cela pourrait être une maison de famille et ses vestiges des souvenirs heureux, mais depuis Nuit et brouillard, on sait que la joliesse d’un champ d’herbes folles et de n’importe quelle image en général peut renfermer la pire des horreurs.
Lire la critique de Marilou Duponchel
She said de Maria Schrader
Maria Schrader fait ici un choix de mise en scène moral, mais plus que ça, elle exprime la thèse suivante : une agression sexuelle ça ne se montre pas, mais par contre ça hante, ça torture, ça se cache, ça ronge et puis ça finit quelques fois et heureusement par éclater au grand jour, par se dire d’abord en murmurant au téléphone, par s’écrire et par se redire encore, de plus en plus fort, jusqu’à être clamée en chœur.
Lire la critique de Bruno Deruisseau
Bones and All de Luca Guadagnino
Comble pour un film dont le titre traduit les désirs de ses personnages de dévorer le corps de leur victime en entier (les os et tout ce qui va avec), Bones and all est une belle enveloppe sans chair ni structure, sans pensée non plus. Le problème est que, malgré l’avalanche d’effets, les tics de charmes de Timothée Chalamet (si jeune est déjà caricature de lui-même) et la révélation du talent de l’actrice qui incarne son amoureuse (Taylor Russell, elle aussi récompensée à Venise) finissent par se voir.
Lire la critique de Bruno Deruisseau
Driver de Walter Hill
Massivement influent sur l’histoire du polar moderne, du Solitaire de Michael Mann à Drive de Nicolas Winding Refn, Driver est un film de grand professionnel autant qu’un grand film sur des professionnel·les. Sombre, maussade et taciturne, comme une peinture d’Hopper qui prendrait vie, bien plus proche du silence glacial des polars de Melville que d’un film du Nouvel Hollywood de l’époque, Walter Hill dépouille le genre du film de braquage de tout ce qui pourrait altérer sa performance aérodynamique.
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