Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie a remis hier à Nicolas Sarkozy le rapport de sa commission sur un calcul plus intelligent de la richesse des nations. Il plaide pour que l’évaluation de la richesse d’une société ne se résume pas au sacro-saint PIB et intègre la notion de bien-être.
Commandé il y a 18 mois par Nicolas Sarkozy, le rapport de la commission présidée par Joseph Stiglitz et Amartya Sen (tous deux prix Nobel) assistés du Français Jean-Paul Fitoussi devait répondre à cette question : pourquoi nos sociétés ne se reconnaissent-elles plus dans les tableaux chiffrés qui sont fait d’elles ?
La réponse est claire : les instruments sensés mesurés la richesse des nations, le PIB en tête, ne permettent plus une lecture précise et fiable de la réalité de l’état des pays. La preuve en est : ils ont échoué à prévoir la plus grande crise économique depuis 1929.
« En un mot, le PIB mesure tout sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue »
Pour rappel, le PIB désigne le produit intérieur brut. Il mesure la production d’un pays (biens et services essentiellement marchands) au cours d’une année donnée. Ses variations d’une année à l’autre indiquent le niveau de croissance d’un pays.
Le 18 mars 1968, Robert Kennedy prononçait un discours exposant sa définition du PIB et résumant assez bien la position de la commission :
En revanche, le PIB ne tient pas compte de la santé de nos enfants, de la qualité de leur instruction, ni de la gaîté de leurs jeux. Il ne mesure pas la beauté de notre poésie, ou la solidité de nos mariages. Il ne songe pas à évaluer la qualité de nos débats politiques ou l’intégrité de nos représentants. Il ne prend pas en compte notre courage, notre sagesse, ou notre culture. Il ne dit rien de notre sens de la compassion, ou du dévouement envers notre pays. En un mot, le PIB mesure tout sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. »
Plus de quarante-ans plus tard il s’agit donc de repenser une économie qui mette l’accent sur la richesse humaine et environnementale plutôt que sur la seule croissance des biens. Il n’y a en effet pas de chiffre unique qui puisse capturer la complexité d’une société moderne. Pour exemple, le doublement du PIB depuis ces 25 dernières années s’est accompagné d’une dégradation de 60% des ecosystèmes.
C’est quand le bonheur ?
Reste une question déjà esquissée inconsciemment par l’ami Cali. Comment mesurer le bonheur ? Notion, par définition plus subjective que quantitative. Si l’on suit les pistes suggérées dans le rapport, il s’agit donc de prendre en compte la perception des ménages, d’affiner les mesures du bien-être, de proposer des indices statistiques sur la qualité de vie ou encore de développer une série d’indicateurs environnementaux. En 1794, Saint-Just écrivait dans son rapport présenté à la Convention au nom du Comité de Salut Public « Le bonheur est une idée neuve en Europe ».
215 ans plus tard, le rapport de la commission Stiglitz était qualifié hier par Nicolas Sarkozy à la Sorbonne de « formidable révolution ». « Il y aura un avant et un après ce rapport » a-t-il déclaré, en ajoutant « la France se battra pour que toutes les organisations internationales modifient leur système statistique » afin de sortir de la « religion du chiffre ».