Le réalisateur “Alice et le Maire” confie à Vincent Lacoste les clés d’un univers qui emprunte à Hitchcock autant qu’à la ligne claire.
Il faut, avant d’aller voir le troisième long de Nicolas Pariser, se préparer à un léger renoncement : Le Parfum vert n’est pas parfait. En tout cas, pas comme l’était Alice et le Maire, film comme envoûté par le spectacle de l’intelligence au travail, avec lequel il n’avait somme toute “qu’à” faire corps, et qui semblait lui insuffler directement sa forme assurée, fluide et feutrée. Pariser s’est peut-être dit que cette perfection était un piège dans lequel il n’avait pas à laisser tomber son cinéma, une élégance tentatrice mais trop confortable.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Car Le Parfum vert ne repose plus sur cette ivresse de la parole, que viennent ici restreindre les exigences de limpidité d’un récit d’aventures en ligne claire : l’histoire d’un comédien de théâtre recherché pour un crime qu’il n’a pas commis, et qui va enquêter au fil de sa fuite pour déjouer une machination politique.
Accident permanent
À vrai dire, le film ne repose même sur rien de solide, sinon son mouvement permanent à l’intérieur d’une forme très instable, qui emprunte au classicisme hollywoodien (La Mort aux trousses pour l’intrigue, Hawks pour la vitesse) et à celui de la bande dessinée franco-belge mais n’aboutit jamais totalement à leur chimie propre, et plutôt à quelque chose qui semble les regarder de l’extérieur.
Le film fait l’effet d’un accident permanent, d’un corps qui ne cesse de tomber et de se relever, pour appartenir toujours à la fois au régime magique d’une fiction Tintin-Hitchcock renvoyant à l’enfance et à un régime réel et actuel qui la commente ou la prend de biais.
Une chambre d’enfant remplie d’albums Casterman
Vincent Lacoste est le corps idéal pour porter cette danse bringuebalante entre l’imaginaire et son imitation. Le jeune acteur de Riad Sattouf semble ne faire qu’un avec la fiction comme rarement auparavant, peut-être parce qu’il y a quelque chose en lui de purement bédéique depuis sa naissance sous la caméra d’un auteur de BD ; mais aussi parce qu’il est le parfait relais du “film qui n’y croit pas”, son parfait interprète subtilement narquois, grâce à ses saillies d’humour, bien sûr, mais surtout à toute une attitude à côté du rôle qui est la marque des acteurs et actrices né·es.
Reste un film “qui fait penser à”, un film comme une chambre d’enfant remplie d’albums Casterman et d’affiches peintes, qui n’est pas tout à fait voire pas du tout son modèle mais qui échappe presque magiquement à toute la dimension habituellement pathétique des pastiches, parce que toute une part se situe hors de son rêve inassouvi de cinéma et qu’il est presque plus beau encore sur le seuil de ce dernier.
Le Parfum vert de Nicolas Pariser, avec Vincent Lacoste, Sandrine Kiberlain (Fr., 2022, 1 h 41). En salle le 21 décembre.
{"type":"Banniere-Basse"}